Que la lumière soit !

Raconté pour vous par Cécile, le 16 novembre2020 - temps de lecture : 5 mn

La lumière artificielle sert à deux choses : faire en sorte que les Hommes puissent mener leurs tâches quotidiennes au-delà du temps naturel de l’éclairage solaire, et permettre aux Hommes d’investir des espaces dénués de lumière, comme les grottes.

Mais la lumière, c’est aussi une ambiance donnée à un endroit. C’est pourquoi son usage a rapidement pris une valeur symbolique et qu’elle occupe un rôle important dans de nombreuses religions. La mise en valeur d’un haut personnage pouvait aussi se faire par des jeux de lumière. Au fil des millénaires, l’évolution et la diversification des techniques et instruments ont offert mille manières d’éclairer les activités humaines. En voici quelques exemples.

1. A la lumière des premiers feux

Les vestiges des premiers foyers entretenus datent d’environ 400 000 ans. L’Homo Sapiens n’existait pas encore : c’est l’œuvre des Homo Erectus. Cette domestication a considérablement amélioré les conditions de vie des humains : le feu protégeait du froid, éloignait les bêtes sauvages, permettait de cuire les aliments (et donc de mieux les digérer), mais a aussi permis d’explorer les mondes souterrains. La maîtrise de l’allumage du feu sur commande est plus récente, mais on ne sait pas encore la dater.

La seule technique ayant laissé des vestiges archéologiques (les outils utilisés) est celle de l’allumage au silex, qui date d’environ 35 000 ans : il faut percuter un silex avec une pyrite ou une marcassite (eh non : pas deux silex entre eux, comme on le croit souvent !).

Comme pour les autres techniques existantes, basées sur l’échauffement de 2 bouts de bois frottés entre eux, on n’obtient au départ qu’une minuscule étincelle qui enflammera un brin d’herbe sèche ou un morceau d’amadou. C’est l’entretien de cette petite flammèche qui donne un feu.

2. Les lampes de Lascaux

A l’époque des grottes ornées (entre 35 000 et 12000 ans), une autre invention est venue bouleverser la vie quotidienne des hommes : celle de la lampe.

C’est cet éclairage portatif pratique qui a permis la réalisation des extraordinaires peintures et gravures de Lascaux, Chauvet ou Altamira. Les premières lampes étaient très simples : des godets en pierre creusée dotés d’un fond aplani et d’une sorte d’ébauche de poignée. La sculpture de ces objets s’est progressivement affinée, gagnant en ergonomie et en esthétique.

Dans une lampe à graisse, la coupelle est remplie de graisse animale dans laquelle est trempée une mèche faite de brins végétaux torsadés. La lampe de Lascaux contenait encore des restes de charbons de genévrier et des cendres de conifères ! C’est aussi un éclairage très économique : il ne faut que 40 gr de graisse, c'est-à-dire une cuillère à soupe, pour avoir 1 h de lumière, et contrairement aux torches, on peut déplacer et poser ces petites lampes partout.

Attention toutefois aux brûlures !

3. Les lampes à huile de l'âge du Bronze oriental

Tout en restant avant tout des objets simples et fonctionnels, les lampes connaissent une évolution à l’âge du Bronze, d’abord dans l’Orient méditerranéen, vers 2200-2000 av. J.-C.

Dans les grandes cités-états du Croissant fertile, les lampes sont en terre cuite, et non plus en pierre, car c’est beaucoup plus facile à produire. Il s’agit de coupelles rondes ou carrées pourvues d’une ou plusieurs petites échancrures dans les bords, destinés à faire tenir la mèche hors de l’huile.

Le combustible se diversifie aussi avec l’apparition des huiles végétales (olive, sésame, amandes, cameline, noisettes…) plus ou moins purifiées et qui peuvent aussi être parfumées. Les lampes prennent une grande importance comme sources de lumière, mais aussi comme encensoir, pour parfumer un espace.

4. Les lampes égyptiennes : ces grandes absentes

Les fouilles archéologiques menées en Égypte livrent extrêmement peu de lampes avant l’époque gréco-romaine. Est-ce à dire qu’ils ne s’éclairaient qu’à la torche ? Non : ils utilisaient aussi des lampes à huile, comme c’est décrit dans les papyrus, surtout pour les rituels religieux où la lumière jouait un rôle important !

C’est simplement que les Égyptiens de l’époque pharaonique sont les inventeurs de la mèche flottante, une technique qui permet d’utiliser comme lampe n’importe quel vase ouvert en laissant flotter en surface de l’huile une mèche fixée dans un petit support qui la maintenait à la verticale. Pour faire plus élégant, les lampes ne se distinguaient donc pas du reste des vases précieux, et il est difficile aux archéologues de les reconnaître.

De hautes torches/chandelles sont aussi représentées : il s’agit de tiges de joncs enrobées de couches successives de graisse animale. Entourées d'une sorte d'abat-jour conique, elles formaient des lanternes et lampes sur pied.

5. Lampes à huile grecques et romaines : l'art du décor

Dans l’Antiquité, l’éclairage se fait encore principalement à l’huile. La spécificité de cette période, et plus particulièrement de l’époque romaine, est que les lampes, en terre cuite puis en bronze, deviennent des objets très décorés et recherchés pour l’originalité et la finesse de leur ornementation.

Sur les lampes en terre cuite, qui sont posées ou tenues dans la main, les formes ne changent guère mais les motifs sont extrêmement diversifiés : animaux, plantes, répertoire mythologique (puis chrétien), scènes de la vie quotidienne et jeux érotiques sont les représentations les plus communes.

Sur les lampes en bronze, beaucoup plus chères, les formes, les tailles et les moyens de suspension (socles, pieds, chaînes) sont encore plus variés. Certaines lampes sont de véritables œuvres d’art. Les plus imposantes sont munies de plusieurs becs et posées sur de très hauts pieds, comme de petits lampadaires, ou bien suspendues à des appliques murales par des chaînes, comme des lustres.

6. Un candélabre sacré : la Menorah de l'arc de Titus

La Menorah est traditionnellement connue comme un chandelier à 7 branches. Chose rarissime, cet objet hautement sacré de l’histoire religieuse juive est représenté avec beaucoup de détails sur un haut-relief romain du Ier s. ap. J.-C., ornant l’intérieur d’un pilier de l’arc de triomphe de l’empereur Titus, à Rome. Que fait-il là ?

L’arc a été inauguré en 81, pour célébrer la victoire de Titus sur les Juifs. Comme c’était la coutume, l’empereur a ramené à Rome les insignes représentatifs du pouvoir vaincu et les a présenté aux yeux de la population romaine à l’occasion d’un somptueux défilé : le triomphe. C’est ainsi que l’on voit les porteurs de la suite impériale exposer sur des brancards les trésors du temple de Jérusalem, parmi lesquels la Menorah et l’Arche d’alliance.

La bougie n’ayant été importée en Occident qu’à l’époque romaine, la Menorah originelle, celle créée sur les instructions données par Dieu à Moïse durant l’Exode, aurait été une lampe à huile contenant 7 mèches flottantes, sur le modèle des lampes égyptiennes.

7. La lampe d'Aladin : lumière de l'Iran médiéval

Cette lampe vous évoque quelque chose ? En effet : elle ressemble à la lampe d’Aladin !

Conte persan des alentours des VIIe-VIIIe s., Aladin et la lampe merveilleuse met en scène un génie sortant du long bec d’une lampe portable en métal, que l’on tient d’une main par une haute anse tandis que l’on frotte le réservoir de l’autre.

C’est aussi le modèle des lampes un peu plus tardives de l’immense empire Seldjoukide (XIe-XIIIe s.), qui s’étendit depuis l’Iran jusqu’au Pakistan et à la frontière égyptienne, en englobant la Turquie et la péninsule arabique.

Comme dans les lampes antiques, la mèche était maintenue dans le bec étroit et un petit couvercle à charnière permettait de recharger proprement le réservoir d’huile.

8. S'éclairer à la bougie au Moyen Âge

Les premières bougies sont décrites en Chine au IIIe s. av. J.-C. : une mèche rigide était enveloppée de graisse de baleine. A l’époque romaine, les bougies étaient faites d’une tige de jonc ou d’une cordelette enduite de suif (graisse animale), de graisses végétales ou de résines, de cire d’abeille, ou d’un mélange d’un peu tout ça.

La matière première (la cire, mais aussi les huiles purifiées) coûtant très cher, les bougies n’ont en fait été utilisées longtemps que par les plus fortunés et dans la liturgie chrétienne. Les cierges font ainsi partie des dons faits communément aux églises.

C’est surtout à partir de la fin du Moyen Âge que l’on voit apparaître dans les enluminures chandelles et candélabres dans des usages privés, et que l’on retrouve des bougeoirs sur les chantiers archéologiques. Le prix des bougies variait en fonction de la qualité des graisses et huiles utilisées. Si elles pouvaient être subtilement parfumées et dégager une lumière claire et chaude, à l’inverse les moins chères dégageaient une fumée noire, âcre et collante qui faisait encore souvent préférer les torches ou les lampes à huiles traditionnelles.

9. Lumière et science : l'observatoire astronomique Jantar Mantar de Jaïpur (Inde)

La source d’énergie formidable qu’est la lumière a été utilisée en science depuis l’Antiquité. Le savant grec Archimède avait déjà inventé au IIIe s. av. J.-C., à Syracuse, en Sicile, les miroirs-ardents, d’énormes loupes installées sur les remparts et utilisées pour enflammer les voiles des bateaux ennemis.

Le Jantar Mantar de Jaïpur est tout à fait différent : c’est un ensemble de 17 instruments astronomiques monumentaux, maçonnés, dans lesquels la lumière du soleil est utilisée dans un jeu incroyablement précis de cadrans solaires de formes et tailles très variées, conçus pour permettre chacun le calcul d’une information différente : donner l’heure, bien sûr, mais aussi calculer les coordonnées des étoiles et planètes, leur hauteur et leurs déplacements.

Il a été construit au XVIIIe s. par Jai Singh II, maharadjah féru d’astrologie et de divination, pour aider à définir les jours propices et néfastes aux cérémonies religieuses et profanes.

10. Du chandelier à la lampe à pétrole

La production de bougies se standardise aux XVIIe s. et XVIIIe s., mais l’objet reste assez coûteux.

Les lampes à huiles connaissent quant à elles de spectaculaires améliorations à la fin du XVIIIe s. aboutissant à la large diffusion de la lampe Quinquet, qui permet à la mèche de rester toujours imbibée, à la flamme de rester constante, grâce à l’ajout d’une petite cheminée de verre, et qui bénéficie d’un jeu de pression régulant le débit d’huile.

Au XIXe s. enfin, les bougies se démocratisent définitivement avec le remplacement des graisses et cire par la stéarine et la paraffine, accompagné par la production mécanique. Dans les lampes, l’huile sera remplacée à la fin du XIXe s. par le pétrole, tandis que la maîtrise du gaz permettra enfin, au XIXe et au début du XXe s., l’éclairage public en plus de l’éclairage privé.

L’électricité ne supplantera toutes ces méthodes que progressivement, dans la première moitié du XXe s. Rappelons que les lampes à pétrole ou à gaz ont été utilisées dans les campagnes françaises jusqu’après la 2nde guerre mondiale : ce n’est qu’en 1966 que les dernières communes de la Sarthe ont été raccordées à l’électricité !

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