Sites naturels ou sites archéologiques ? 

5 cas confondants !

Raconté pour vous par Cécile, le 31 mars 2023 - temps de lecture : 5 mn

Quand ? Les vestiges que nous présentons ont entre 3500 et 140 ans.

Où ? Japon, Nouvelle-Zélande, Philippines + France et Irlande.

Vous êtes-vous déjà retrouvé devant – ou dans – un faux monument naturel ? C’est quasiment sûr, en fait, même si vous ne vous en êtes pas rendu compte ! Le meilleur exemple ? Les grands parcs publics, qui ont presque tous été faits ou refaits dans la 2e moitié du XIXe siècle, comprennent toujours des cascades, zones de rocailles, bassins qui sont artificiels. Un indice : les rambardes sont en béton imitant le bois (avec plus ou moins de succès). Il y a même de fausses grottes, dans lesquelles on peut rentrer, avec de fausses stalactites, en béton elles-aussi ! C’est le cas parisien de la grotte des Buttes-Chaumont, aménagée dans une ancienne carrière.

Le faux cours d'eau et la fausse cascade de la grotte du parc des Buttes Chaumont, avec ses faux stalactites en béton - © Daniel Vorndran - DXR / CC BY-SA
La nature en ciment armé ! Publicité de la 2e moitié du XIXe siècle - dans F. Mazeran, L’ornementation en faux bois et rocaille dans le département de l’Hérault, Patrimoine du Sud, 8, 2018.

Mais si l’Homme imite la Nature, savez-vous que l’inverse est vrai aussi ? Voici quelques exemples de formations naturelles qui ressemblent tellement à des créations de main d’Homme que beaucoup se demandent quelles sociétés mystérieuses ont pu les créer, et dans quel but…

1. Les failles de Yonaguni (Japon)

Yonaguni est une île de l’extrémité sud de l’archipel tropical des Ryūkyū. Elle est surtout connue des amateurs de plongée pour abriter un spot très étonnant, appelé « Monument de Yonaguni », situé à quelques centaines de mètres de la côte sud. Entre 10 et 25 m de profondeur, les plongeurs suivent d’étranges lignes et arêtes rocheuses géométriques, des marches et des paliers géants… Une cité engloutie ? C’est ce à quoi on ne peut s’empêcher de rêver !

Le plongeur est bien petit devant ces marches monumentale. Le palier d'un escalier de géant ? - © Melkov / CC0
Passage entre deux blocs. L'entrée dans la ville engloutie ? - © Melkov / CC0

Le côté mystérieux du site de Yonaguni est bien sûr magnifié par son caractère sous-marin, qui fait qu’on n’a jamais de vue d’ensemble de ses formations et que l’on semble, ainsi, découvrir un escalier, une muraille, une route plate ou une porte derrière chaque angle de bloc. 

Maquette du "monument de Yonagui" - © Flickr CC-BY Liangtai Lin

La réalité n’est pas moins fascinante : c’est un énorme massif de grès dont les bancs se fracturent en suivant les lignes de failles naturelles, sous l’effet de la tectonique des plaques. 

La carrière en gradins de la meulière de Claix (Charente), exploitée entre l'époque romaine et le début du XXe siècle - © ArchéOdyssée

La géologie est vraiment un univers merveilleux, et parfois tellement déroutant ! C'est vrai que le site ressemble terriblement à une carrière de pierre.

Il faut en fait voir des formations semblables à l’air libre, intégrées à des paysages plus familiers pour nous que les mondes sous-marins, pour apprécier pleinement la majestuosité de ces paysages. Perdent-ils vraiment de leur magie à l’air libre ? Je ne crois pas…

Un autre site où les fractures de la roche évoquent de mystérieux aménagements : Kimmeridge Bay, sur la Manche, dans le Dorset, site des "washing ledges" (planches à laver) - © UK Beach Guide 2023 
Si la mer remontait, elle submergerait ces étranges et gigantesques dalles calcaires, qui se fracturent en blocs parallélépipédiques. On aurait l'impression de routes et de maisons effondrées - © Jim Champion / CC BY-SA

2. Les Moeraki boulders (Nouvelle-Zélande)

© Pseudopanax / CC0

Les Moeraki Boulders sont des groupes de rochers tout ronds, d’énormes boules que l’on peut admirer par dizaines sur la plage de Koekohe, en Nouvelle-Zélande. Fascinés par leur forme sphérique, leur taille, leur nombre et leur aspect de surface (certains sont craquelés comme s’ils étaient recouverts d’écailles), ils sont l’objet de plusieurs mythes maoris. Certains y ont vu aussi l’œuvre d’une civilisation inconnue ayant rayonné sur toute la planète, qui serait aussi à l’origine des célèbres bolas du Costa Rica.

Alignement en bord de plage - © Krzysztof Golik / CC BY-SA

Rien à voir entre les deux, cependant. Les boules de Moeraki se sont formées il y a entre 13 et 65 millions d’années. Ce sont, au départ, des concrétions de calcites accumulées autour d’un petit noyau de boue séchée. Ces gros blocs auraient ensuite été érodés et roulés dans le sable (pendant des millions d’années), jusqu’à obtenir ces sphères quasi parfaites. 

L’érosion constante des falaises en bordure de la plage fait régulièrement apparaître de nouvelles sphères. Ces types de formations extraordinaires existent partout sur la planète, en réalité, mais rarement visibles en aussi grand nombre sur un espace aussi facilement accessible et touristique.  

Deux "Moeraki Boulders" émergeant d'une falaise en cours d'érosion - © M Seses / CC BY-SA

Quant aux bolas du Costa Rica, pas d’Atlantes ni d’extraterrestres non plus derrière leur création, mais ce sont bien des sculptures faites de main d’homme, qui portent encore des traces d’outils ! 

Exposées sur des espaces sacrés ou en lien avec des lieux de pouvoirs, on ignore leur signification exacte. Elles ont été fabriquées entre 800 et 1500, par les populations de la culture Diquís, et l’on n’en trouve que dans le sud du Costa Rica. 

Ce sera peut-être l’affaire d’un autre article… 

Sphères de pierre de la culture Diquís, au Museo Nacional de Costa Rica - © Rodtico21 / CC BY-SA

3. Les chocolate hills (Philippines)

Vue panoramique des chocolate hills, île de Bohol - © Cliffscherer / CC BY-SA

Ne dirait-on pas quelque nécropole royale dont les tertres gigantesques émergeraient de la forêt ? On imagine sans peine des ruines monumentales fantastiques cachées sous la végétation. Après tout, de nombreux souverains se sont fait construire des tombeaux énormes en forme de cônes, comme ce que nous voyons ici sur l’île de Bohol, en Indonésie. 

Des exemples, parmi tant d’autres ? Le magnifique Mausolée royal de Maurétanie, en Algérie, dernière demeure d’un roi numide du IIe ou du Ier siècle avant notre ère, de 32 m de haut, ou les immenses tumuli des rois de Kerma, au Soudan, emportés par l’érosion. 

Une construction bien humaine : le mausolée royal de Mautéranie, dit aussi "Tombeau de la Chrétienne", wilaya de Tipaza - © Melkov / CC0
60 m de diamètre, 32 m de haut... des dimensions assez proches des collines de Bohol...mais le tombeau est tout en pierre et en sculptures ! - © Zil / CC BY-SA
Vue aérienne de la grande nécropole tumulaire Kerma à Saï - © Sai Island Archaeological Mission / SFDAS, dans V. Francigny, "En Nubie, la France et le Soudan au service d’un patrimoine universel", dans Actualités archéologiques françaises au Soudan, Revue d'archéologie de l'Orient ancien, hors série 3, sept. 2018 (en ligne).
Terrils de l'ancienne mine de schistes bitumineux de Saint-Forgeot, Saône-et-Loire - © A Bourgeois P / CC BY-SA

Et non, ce ne sont pas non plus des terrils, malgré la ressemblance… la végétation luxuriante en moins !

Quelques unes des centaines de collines de Bohol - © A Bourgeois P / CC BY-SA

Les chocolate hills sont tout simplement ce qu’il reste d’une épaisse couche de sables coralliens accumulés au fond d’une mer tropicale, il y a 2 millions d’années. Les mouvements tectoniques ont fait émerger ce banc fossilisé et l’érosion pluviale et la végétation en ont fait ce que l'on en voit de nos jours : il ne subsiste plus de cette couche de roche que des monticules témoins, de 30 à 50 m de haut. Il y en a plus de 1200 sur 50 km² ! 

4. Géants et serpent magique (Irlande)

Dans notre article sur l'Île d’Émeraude, redécouvrez deux sites magiques d’Irlande, souvent confondus avec des constructions humaines (ou divines) : la Chaussée des Géants et la Poll na bPéist, l'antre du Serpent de mer.

La partie basse de la Chaussée des Géants - © Rodrigo Silva / CC BY
La Poll na bPéist, piscine magique du redoutable serpent marin  - © Paucabot / CC BY-SA

5. En France aussi !

Comme on vous le dit souvent, pas besoin d’aller au bout du monde pour s’émerveiller : la France aussi regorge de sites remarquables insolites. Pour conclure, en voici 3 dans notre thème.

Lignes de fracture du plateau rocheux à Saint-Honorine-des-Pertes, évoquant des ornières - © ArchéOdyssée

Les ornières d’une route oubliée ? eh non, tout simplement les fissures de la dalle calcaire du platier rocheux de Sainte-Honorine-des-Pertes, dans le Calvados. Cela vous évoque Kimmeridge Bay ? Normal, ce sont presque les mêmes formations rocheuses et les mêmes processus d’érosion : les deux sites sont l’un en face de l’autre, de chaque côté de la Manche !

Les colonnes de granit des orgues volcaniques d'Usson (Puy-de-Dôme) - © Accrochoc / CC BY-SA

Et connaissez-vous les orgues basaltiques du Puy-de-Dôme et de l’Allier ?  Ces splendides formations volcaniques sont vues latéralement, en France, mais si l’on ôtait la végétation et qu’on les découvrait par le dessus, qu'observerait-on ? Une longue route de pavés hexagonaux, comme la mythique Chaussée des Géants irlandaise !

Le paysage ruiniforme du chaos de Montpellier-le-Vieux - © Ziegler175 / CC BY-SA

Enfin, perdez-vous dans le dédale d’une ville de gratte-ciels en ruines envahis de végétation, comme un monde post-apocalytique, dans la Cité des Pierres, le chaos de Montpellier-le-Vieux (Aveyron). De magnifiques paysages ruiniformes de ce type existent aussi à Madagascar ou en Asie du Sud-Est (Chine, Laos...), tous de hauts lieux touristiques entourés de légendes.

Et vous n'avez pas tout lu ! 

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