L'Italie hors des sentiers battus : 10 sites redécouverts
1/2 - Le Mezzogiorno : Sardaigne, Sicile, Calabre, Basilicate, Molise, Abruzzes
Raconté pour vous par Cécile, le 17 septembre 2021 - temps de lecture : 5 mn
Quand ? de 3 000 avant notre ère au XIVe siècle - Où ? Partout en Italie
Que peut-on présenter des sites archéologiques italiens, qui sorte de ce que tout le monde s’attend à voir, c'est-à-dire des musées, des tombeaux étrusques, des temples grecs et des ruines romaines ?
Voilà un défi à la mesure d’ArchéOdyssée !
Évidemment, pas question de passer à tout prix sous silence les innombrables et magnifiques témoignages des époques antiques, mais nous avons essayé de dénicher des sites inattendus, dans les régions les moins touristiques d’Italie, mettant en valeur des périodes moins médiatiques, mais aussi plus mystérieuses.
Histoire de bien montrer que l’archéologie italienne ne s’arrête ni à Rome, ni à Pompéi… que vous ne verrez pas dans notre sélection !
On commence par le Mezzogiorno, le Sud !
1. En Sardaigne : le village nuragique de Su Nuraxi
Gros coup de cœur pour ce site archéologique exceptionnel, bien représentatif d’une culture étonnante : celle des Nuraghes, nom donnés aux nombreuses tours et fortins monumentaux de l’Âge du Bronze et de l’Âge du Fer, qui parsèment toute l’île.
Su Nuraxi (commune de Barumini) est un gros village composé de cabanes rondes, qui s’est développé autour d’un imposant bastion comprenant une énorme tour flanquée de quatre autres, et encore entourée d'une enceinte.
La particularité de ce village très dense est d’avoir été occupé sans discontinuité pendant 1 000 ans, depuis les années 1600 avant notre ère jusqu’au VIe s. avant notre ère, c'est-à-dire à l’époque où les Grecs commençaient à essaimer en Méditerranée.
Des gens ont continué ensuite a habiter certaines maisons jusqu’au IIIe s. de notre ère, quand la Sardaigne est devenue carthaginoise, puis romaine.
C’était un village prospère, sous la protection du nuraghe, forteresse imposante qui devait aussi servir de centre de collecte et de distribution des biens.
Cerise sur le gâteau, nous vous proposons de découvrir Su Nuraxi en visite virtuelle immersive, avec explications et commentaires en français s’il vous plaît, en cliquant sur l'image ou ICI.
Profitez en particulier de la fonction « reconstitution 3D » : c’est le logo en forme de cadran d’horloge au centre de la ligne d’icônes. Il permet de se promener dans le village tel qu’il était à l’Âge du Bronze.
2. En Sicile : Palerme et les palais de la Cuba et la Zisa
L’histoire de la Sicile est celle d’une terre toujours convoitée. Depuis la Protohistoire au moins, l’île est l’objet une longue succession de conquêtes, carthaginoise, grecque, romaine, arabe puis normande, pour ne citer que celles-ci.
De ce fait, la Sicile est surtout connue pour ses merveilles antiques, mais nous nous intéresserons ici à deux palais médiévaux jumeaux hors du commun : ceux de la Zisa et de la Cuba, à Palerme.
Les bâtiments ne font pas partie des circuits touristiques principaux, mais ils valent vraiment le détour, pour leur architecture ultra contemporaine et ce qu’ils racontent des métissages entre les cultures arabo-byzantines de l’ancien émirat de Sicile (831-1091) et la culture normande et chrétienne du royaume de Sicile, qui lui succéda (1091-1194 pour la dynastie normande).
La Cuba et la Zisa se ressemblent beaucoup. Ce sont, comme le nom du premier l’indique, des cubes, au style à la fois très épuré et fourmillant de détails de stucs finement sculptés. Les résidences étaient initialement au centre d’un jardin savamment agencé ponctué de jeux d’eau, sur le modèle arabe. C’était des demeures d’agrément, tandis que le cœur du pouvoir était au centre de Palerme, dans le palais des Rois Normands (à visiter avec sa très dorée chapelle palatine).
3. La Calabre tout en pierre : le village caché de Zungri et la « grotta Trisulina »
A la pointe de la botte italienne, la Calabre, région pauvre gangrénée par la mafia, souffre toujours d’une mauvaise réputation auprès des touristes internationaux. Elle reste de ce fait encore peu fréquentée, bien qu’elle abrite de véritables joyaux archéologiques. En voici deux tout à fait originaux.
Cerise sur le gâteau toutefois : pas la peine de vous rendre en Italie pour voir Sbariati : vous pouvez parcourir tout le site en suivant une excellente visite virtuelle (c'est ici !)
Ensuite, toujours en sous-sol, la « grotta Trisulina », à Papaglionti Vecchia, non loin de Zungri.
Cet étrange édifice souterrain composé de deux pièces voûtées séparées par une colonnade est un aménagement typiquement romain, associé à une luxueuse villa.
C’est un nymphée, un espace d’agrément et de recueillement imitant une grotte, consacré aux Nymphes, et accompagné de bassins ou jeux d’eau.
Ici, toute la construction est peut-être une piscine souterraine, composant le nymphée dans son entier. Il est rare de pouvoir en visiter un de ce type.
Enfin, toujours dans la roche, les amateurs de Préhistoire et de l'art pariétal ne nous pardonneraient pas de passer sous silence la "Grotta del Romito" : l’une des rares grottes ornées d’Italie !
Les gravures y sont associées, chose encore plus rare, à deux sépultures humaines.
4. En Basilicate : les catacombes juives de Venosa
La découverte de la Basilicate se fera… par les sous-sols de la jolie ville de Venosa, l’antique ville romaine de Venusia, implantée en territoire samnite en 291 av. J.-C.
Une importante communauté juive vivait dans la ville romaine, comme en témoignent la nécropole souterraine de la colline de la Maddalena, à l'extérieur de la ville.
Ces catacombes du IIIe et IVe s. ap. J.-C., en fait juives et chrétiennes, se présentent sous la forme de plusieurs grottes donnant accès à de longs couloirs et des chambres funéraires aux tombes creusées dans les parois.
Les nombreuses inscriptions peintes en grec, latin et hébreu éclairent la vie des habitants juifs de Venosa. Beaucoup étaient d’origine grecque et étaient propriétaires terriens ou marchands, et bien intégrés aux élites locales.
En cas de claustrophobie, ressortez des catacombes et allez profiter des très beaux vestiges de la ville romaine (théâtre, thermes, basilique paléochrétienne), mais aussi visiter l’abbaye romane de la Santissima Trinità, le musée et l’impressionnante forteresse du XVe s.
5. En Molise : la villa romaine de Santa Maria di Canneto
Molise, c’est un peu en Italie l’équivalent de ce que les Français disent de la Creuse ou l’Orne… pour rester polie : des régions rurales sans intérêt. Mais comme la Creuse et l’Orne, Molise est surtout une région dont le riche patrimoine est resté préservé des hordes touristiques.
Dans des paysages magnifiques à la fois maritimes et montagneux, les sites antiques (villes entières ou sanctuaires) ne manquent pas !
Nous découvrons ici une villa romaine très intéressante qui se trouve à Roccavivara… sous l’église Santa Maria di Canneto.
Qu’a donc ce site d’original ?
Et bien il s’agit d’une villa dite « rustica », c'est-à-dire d’une exploitation agricole (ici viticole), qui comprend aussi une maison de maître luxueuse.
La villa di Canneto est très bien conservée et très bien mise en valeur : on peut donc explorer les installations viticoles, dont le très bel entrepôt à dolia, ces cuves à vin géantes en terre cuite, et comprendre de manière claire comment fonctionnait le domaine.
La partie d’habitation présente de beaux pavements de mosaïques, mais disparaît sous les fondations de l’église Santa Maria, qui a été édifiée dans les vestiges des thermes.
6. Abruzzes : la nécropole mégalithique de Fossa
Si les Abruzzes sont une destination touristique appréciée des Italiens, la région n’est étonnamment pas très connue à l’international. Enfin, c’est tant mieux pour le patrimoine naturel et archéologique d’exception qu’elle abrite. Comme ailleurs, on y trouve de très beaux vestiges de villes samnites et romaines dans des paysages très sauvages et enneigés l’hiver… mais aussi de remarquables sites de l’Âge du Fer, comme les tombes à char des tumulus de Campovalano.
C’est presque de la même époque que date l’autre nécropole que nous vous faisons découvrir : celle de Fossa. C’est un ensemble mégalithique si impressionnant qu’il est souvent comparé à Stonehenge… toutes proportions gardées cependant, car les vestiges sont très différents et surtout ne datent pas du tout de la même période !
Plus de 500 tombes ont été découvertes, de taille et structures variées, et le site n’a pas été fouillé dans son intégralité !
La nécropole a été créée entre 900 et 800 av. J.-C. et utilisée pendant plus de 700 ans, jusqu’au Ier s. av. J.-C. par les Vestins, peuple pré-romain de cette partie des Abruzzes.
C’est pourquoi les pratiques funéraires évoluent beaucoup : on visite de grands tumulus bordés de menhirs pour les plus anciens tombeaux, des tumulus abritant un riche mobilier d’armes et de bijoux ou des fosses sépulcrales pour les tombes du 2e Âge du Fer, ou encore des hypogées monumentaux et de plus petites tombes à incinération pour la fin de la période d’utilisation de la nécropole.