5 cités disparues

Raconté pour vous par Cécile, le 12 janvier 2022 - temps de lecture : 3 mn

Quand ? de l'âge du Bronze égyptien à la dynastie Yuan (Chine, Mongolie - XIIIe siècle) et l'Amérique précolombienne

Où ? Soudan, Afghanistan, France, Mongolie, Honduras, Pakistan ,Turquie

Il existe d’innombrables villes perdues sur la Terre, qui racontent toutes la même histoire : celle de l’impermanence des organisations humaines et de la recomposition cyclique des empires. Cela montre aussi souvent à quel point les paysages changent en l’espace de quelques siècles et millénaires, au point d’ensevelir ou d’effacer toute trace de fréquentation visible d’un site aussi imposant qu’une ville construite. Ces agglomérations grouillantes de vie, prospères et monumentales, qui représentaient tant hier pour leurs contemporains, ne sont plus rien de nos jours.

C’est tout cela que nous renvoie ces cités disparues, et c’est pour cela que leur découverte et leur étude fascinent autant. Voici 5 cas parmi tant d’autres de ces sites archéologiques si particuliers.

1. Méroé, à l'ombre des Pharaons (Soudan)

Une ville hérissée d’étroites pyramides sortant du sable, comme une cité engloutie d’univers de science-fiction... ce n’est pas un paysage du film Stargate, mais une ville antique réelle, celle de Méroé, la capitale du royaume antique de Koush, au Soudan.

Les grandes pyramides de la nécropole royale de Méroé - © Valerian Guillot / CC BY

Un peu écrasé par le poids médiatique de son voisin égyptien, le puissant royaume de Koush, que les Égyptiens appelaient la Haute-Nubie, est resté longtemps dans l’ombre. Ce n’est que très récemment que le grand public a pu découvrir cette étonnante civilisation, à la charnière entre les cultures d’Afrique centrale et de l’Égypte pharaonique.

La nécropole royale de Méroé, en 2001 - © B. N.Chagny / CC BY-SA

Les liens entre l’Égypte et la Nubie remontent aux toutes premières dynasties pharaoniques, il y a presque 5 000 ans !

Les convoitises et confrontations ont toujours été grandes entre les deux États, mais l’Égypte n’a pas été toujours été victorieuse, même si Koush a été une colonie égyptienne pendant 600 ans (de 1480 à 744 av. J.-C.).

Ainsi, des pharaons soudanais ont même régné sur l’Égypte pendant 88 ans, entre 744 et 656 av. J.-C. C’est la XXVe dynastie, celle dite des Pharaons Noirs !

Cette très grande porosité culturelle explique pourquoi les formes architecturales, les décors et les sculptures qui ornent la ville de Méroé ressemblent tant à de l’art égyptien.

L'allée monumentale du temple d'Amon, ornée de béliers couchés - © Ron Van Oers / CC BY-SA

Héritier de la florissante culture de Kerma (vers 2500 av. J.-C. / vers 1480 av. J.-C.), le royaume de Koush avait d’abord pour capitale Napata.

Dévastée par une attaque égyptienne en 591 av. J.-C., elle fut abandonnée et la capitale déplacée à Méroé.

Colonne et mur décoré d'une sculpture d'éléphant, complexe des temples de Méroé - © Ron Van Oers / CC BY-SA

Cette splendide ville nouvelle, dotées de temples somptueux et d’une vaste nécropole royale aux pyramides bien conservées, connût son apogée entre les IIIe et Ier s. av. J.-C.

Elle existait encore au IVe s. de notre ère, quand le petit royaume de Méroé, survivant de celui de Koush, succomba sous les assauts des tribus nubiennes et de l’empire d’Aksoum, en Ethiopie, en plein développement.

2. Aï-Khanoum et les Grecs de Bactriane (Afghanistan)

Une vraie ville grecque antique surgissant des steppes d’Afghanistan, vous n’y croyez pas ? C’est pourtant le cas d’Aï-Khanoum, une héritière de l’empire d’Alexandre le Grand.

Les vestiges des remparts d'Aï-Khanoum, dans la plaine de l'Amou Daria - © Délégation archéologique française en Afghanistan, sur le site Internet archeologie.culture.fr

Les territoires d’Alexandre s’étendaient jusqu’à l’Indus, au Pakistan. De son vivant, le conquérant avait fondé plusieurs villes dans ces contrées lointaines, politique consolidée par ses successeurs de la dynastie des Séleucides. Aï-Khanoum, dont le nom signifie « la Princesse Lune » en Ouzbek, a ainsi été créée vers 280 av. J.-C. (donc une quarantaine d’années après la mort d’Alexandre).

Les "Propylées" d'Aï-Khanoum - © Délégation archéologique française en Afghanistan

C’était était une ville typiquement grecque, comme l'ont révélé les fouilles archéologiques, avec tout l’équipement monumental classique, des institutions et une monnaie inspirées de la lointaine Grèce, et le grec comme langue officielle.

Chapiteau de style corinthien, du IIIe s. av. J.-C. - © Délégation archéologique française en Afghanistan, sur le site archeologie.culture.fr
Portrait masculin provenant du palais / quartier administratif d'Aï-Khanoum - © MarcoPrins / CC0

Chose encore plus étonnante, ces villes grecques d’Asie centrale étaient vraiment peuplées de Grecs, en plus des Bactres, la population perse autochtone.

Pourtant, il n’y a jamais eu de politique de colonisation depuis la Grèce vers cet Orient exotique, et les soldats d’Alexandre n’étaient pas assez nombreux pour constituer la base d’une population. Alors, d’où venaient ces Grecs ?

Pas de bien loin, en vérité : il existait en fait des communautés grecques très importantes, de commerçants essentiellement, qui vivaient à l’intérieur de l’immense empire perse depuis des générations.

Plaque en argent doré représentant Cybèle sur un char devant un autel, le Soleil et la Lune, IIIe s. av. n. ère - © dans Pierre Cambon dir. 2007 : Afghanistan : Les trésors retrouvés : Collections du Musée National de Kaboul. Paris : éditions de la RMN.

Au moment des conquêtes d’Alexandre, beaucoup de ces populations avaient déjà été déplacées par les souverains perses dans la satrapie de Bactriane, une région éloignée du cœur de l’empire (Iran occidental/Irak/Syrie).

A l’époque du développement d’Aï-Khanoum, la Bactriane s’était même affranchie de l’autorité des Séleucides pour instaurer, sous l’égide de rois grecs, un royaume gréco-bactre, qui exista pendant plus de 100 ans, de 256 à 141 av. J.-C., date qui est aussi celle de l’abandon de la ville de la Princesse Lune.

3. Quiercy-sur-Oise, la fantomatique (Oise)

Quierzy-sur-Oise est une toute petite commune de quelques 430 habitants, et rien ne laisse présager en la visitant que l’on se trouve sur l’un des centres névralgiques du pouvoir à l'époque des Carolingiens !

Plan récapitulatif des découvertes archéologiques de Quierzy et proposition de localisation de la villa royale (point 2)- © Pierre Cambon, dans Cambon 1985, Essai de datation du site carolingien de Quierzy-sur-Oise (Aisne), Revue archéologique de Picardie, n°1-2, 1985.

Le long de l’Oise, se dressait une somptueuse résidence royale, où est mort Charles Martel, en 741. Ce fût aussi l’un des palais principaux de son fils Pépin le Bref, le fondateur de la dynastie des Carolingiens, et de son petit-fils, Charlemagne.

En 804, c’est là que l’empereur reçut le pape Léon III, comme son père Pépin avait aussi reçu le pape Etienne II, 50 ans plus tôt. C’est aussi là que fût célébré le mariage de Charles-le-Chauve, le petit-fils de Charlemagne, en 841.

Vue aérienne du village de Quierzy, le long de l'Oise. Dans le cercle rouge : emplacement supposé de la résidence royale - © IGN - Orthophoto - Géoportail, image modifiée.

Enfin, c’est dans le palais qu’a été rédigée par Charles-le-Chauve, en 877, le capitulaire de Quierzy.

Il s'agit d'un document phare de l’histoire médiévale, puisqu’il établit et détaille les droits et devoirs des seigneurs envers le roi, posant ainsi les bases législatives du système féodal.

Le stèle rappelant l'existence de la résidence des rois mérovingiens et carolingiens, et la liste des principaux événements qui ont eu lieu au palais de Quierzy - © Havang / CCO

De ce prestigieux passé, incroyablement, il ne reste… absolument plus rien dans le paysage !

Par comparaison avec d’autres palais carolingiens mieux connus, on imagine toutefois qu’il s’agissait d’un complexe de bâtiments imposants, associant a minima des lieux de vie et une église.

Les vestiges reposent peut-être sous une épaisse couche de sédiments d’inondation de l’Oise, toute proche, à moins que les bâtiments aient été entièrement démontés plus tard dans le Moyen Âge.

Comme quoi il reste encore bien des mystères à résoudre en France !

4. Xanadu, la ville légendaire de Marco Polo (Mongolie)

En 1274, le célèbre marchand Marco Polo arrive à la cour du grand Kubilaï Khan, le souverain des Mongols et grand conquérant de la Chine. Fasciné par la capitale, Xanadu (Shangdu), le Vénitien en fit une description qui la rendra mythique… d’autant que cette cité fabuleuse, le cœur palpitant de la dynastie Yuan, a été abandonnée et rendue aux vents de la steppe seulement 200 ans après sa construction.

Vue aérienne des vestiges des 3 remparts imbriqués de Xanadu - © Wikimapia

C’est une ville nouvelle, sortie de la grande prairie de Mongolie en quelques années, entre 1256 et 2160, suivant la volonté du grand Khan et sous l’égide d’un architecte chinois de génie, Liu Bingzhdong.

Si Shangdu a tellement étonné Marco Polo, c’est qu’en Europe, à la même période, les villes médiévales étaient des bourgades ramassées sur elles-mêmes, empilées sur les vestiges d’agglomérations plus anciennes, donnant à l’ensemble un aspect très composite. Rien de tout ça à Shangdu !

plan de la ville de Shangdu/Xanadu - © China Discovery - sur chinadiscovery.com

Sur le modèle chinois, elle était toute entière structurée par trois remparts rectangulaires emboîtés et un plan en damier très aéré.

Elle abritait des quartiers de temples, des palais extraordinaires, des marchés, des tombeaux… et même un grand zoo.

Vestiges du palais impérial ©Alchetron, free social encyclopedia for the world, article d'Harman Patil

La capitale avait été voulue comme un trait d’union entre la culture chinoise et la culture et les modes de vie des tribus mongoles.

Les quartiers d’habitation de maisons à la chinoise alternaient ainsi avec des espaces dédiés à l’accueil des yourtes des nomades.

Elle comptait 100 000 habitants à son apogée, mais a sombré dans l’oubli dès 1430 !

5. L'affaire de la Cité du Dieu singe (Honduras)

Il n’y a pas encore grand-chose à voir dans cette ville perdue. Il s’agit d’un site enfoui dans la jungle du Honduras, connu depuis longtemps, mais récemment exploré (à partie de 2012) et nommé nommée poétiquement la Cité du Dieu singe. Au vu des premiers résultats, il s’agit d’une grande agglomération précolombienne, contemporaine de la culture maya.

© Dave Yoder / National Geographic Magazine - article en ligne du magazine The Verge (17/02/2017)

Ce site est intéressant, surtout, pour ce qu’il révèle de la course au scoop que se livrent parfois les journalistes et les archéologues. Afin d’accroître les financements du projet de recherche sur le site, en 2015, une partie de l’équipe américaine a mis en scène l’exploration des vestiges, avec le National Geographic.

© UTL, LLC/ BENENSON PRODUCTIONS, article en ligne de Metro (10/01/2017)

Dans la plus pure tradition de l’explorateur archéologue à la Indiana Jones, le reportage à sensation (et le livre qui en a été tiré) gomme habilement la frontière entre mythe et vérité historique, et renvoie l’image de surhommes affrontant les dangers de la nature.

© Douglas Preston, article en ligne du Honduras News

L’autre partie de l’équipe d’archéologues, composée d’Américains et de Honduriens, a très vivement dénoncé les conséquences de cette médiatisation, qui portait préjudice à toute la crédibilité du programme de recherche.

Pour éviter les pillages, la localisation de la ville a été tenue secrète. Les recherches se poursuivent toutefois et de belles découvertes ont été faites. Affaire à suivre !

6. Le bonus des archive ArchéOdyssée : 2 villes perdues accessibles par le numérique

Nous vous les avons déjà présentées, mais voilà l’occasion d’un rapprochement thématique : redécouvrez avec nous deux dernières villes perdues, en cliquant sur les images ou le nom des sites.

La première sera Mohenjo Daro, au Pakistan, l’une des plus anciennes villes du monde, représentative de la fabuleuse Civilisation de l’Indus.

Ses vestiges de briques crues ont été recouverts, après l’abandon de la cité, par les sédiments des crues du fleuve Indus et oublié pendant plus de 1400 ans.

Et notre bonus virtuel : la visite guidée en immersion d’Hattusa, en Turquie, la capitale du puissant empire hittite, qui fit de l’ombre à Ramsès II.

De la célèbre Porte des Lions à son impressionnant quartier des temples, on se promène dans la ville comme si on y était.

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