APOCALYPSE 2100
Alerte Submersion Archéologique
Raconté pour vous par Maxence, le 20 février 2022 - temps de lecture : 8 mn
Quand ? de la Préhistoire au Moyen Âge
Où ? partout dans le monde
Pas une semaine où le changement climatique n’est au cœur de l’actualité. Et s’il est bien réel, ses conséquences futures font l’objet de nombreux débats : comment en effet mesurer avec précision l’évolution de la température moyenne, des précipitations et de leur répartition ou l’accentuation du nombre d’évènements catastrophiques ?
Laissons cela aux climatologues et aux mathématiciens qui modélisent pour les décennies à venir. Attardons-nous plutôt sur les cartes récemment publiées, de la France ou de l'ensemble du monde, qui font état d’une montée générale d’1 m du niveau de la mer ! 1 m, 80 cm ou seulement 50 cm ? On va être honnête avec vous, ArchéOdyssée n’a pas d’idée sur la question ! Mais en revanche, nous posons la question suivante : quels sites archéologiques, aujourd’hui visibles, pourraient se retrouver submergés à la fin du siècle ?
Rien de neuf sous le soleil...
L’évolution du niveau de la mer est une réalité associée aux changements du climat. Les études permettent ainsi d’identifier ces variations depuis des dizaines, voire des centaines et des millions d’années ! Pour simplifier, des phases de transgression marine (hausse des eaux) et de régression se succèdent, les secondes étant en général associées aux glaciations.
Alors bien entendu, les civilisations du passé se sont adaptées à ces évolutions, et des emplacements favorables à l’implantation il y a des millénaires sont aujourd’hui sous les eaux. La grotte Cosquer (dans les Calanques) est sans doute l’exemple le mieux connu. Occupée lors de la dernière glaciation (il y a environ 27 000-19 000 ans), son entrée est aujourd’hui à 37 m sous le niveau de la mer ! Elle est aujourd'hui menacée par la montée des eaux, à tel point qu'une réplique 3D est en cours d'élaboration, permettant à la fois de sauvegarder (en numérique) ce sublime patrimoine, mais également de le présenter au grand public.
L'histoire est la même pour les habitats de bord de lac du Néolithique, comme ceux de Chalain et de Clairvaux (Jura) ou les centaines de sites identiques connus dans les pays de l’arc alpin : s’ils sont aussi bien préservés, c’est parce qu’ils sont aujourd’hui ennoyés en raison de la montée des eaux.
Pour la même période, l’allée couverte de Guinirvit (Finistère) et le cromlech d’Er-Lanic (Morbihan), immergés à marée haute, sont aussi de spectaculaires témoignages de la montée du niveau de l’océan depuis le Néolithique et l’âge du Bronze.
Le résultat est identique mais la cause différente en ce qui concerne l’exceptionnel site antique de Baia (une ville romaine de la baie de Naples) : s’il est aujourd’hui en grand partie submergé, c’est en lien avec une activité volcanique qui provoque le lent abaissement du niveau du sol !
On risque de ne plus les voir...
Soyons très clairs, des sites aujourd’hui situés en zone basse ou en bordure immédiate du littoral français risquent fort de se retrouver totalement noyés à la fin du siècle…
Quelques exemples ? La très belle basilique romaine d’Andernos, dans le Bassin d’Arcachon (Gironde), pourrait se retrouver en pleine mer, à une centaine de mètres du futur littoral… Autre secteur sensible, celui de l’estuaire de la Gironde. Et la petite agglomération romaine de Brion sera probablement sous les eaux, à l’exception de son théâtre et de son temple, subsistant chacun sur une petite île ! A croire que nos ancêtres ont préféré édifier leurs édifices publics hors de tout risque d’inondation !
Pour remonter plus loin dans le temps, les deux sites déjà évoqués de Guinirvit et d’Er-Lanic seront probablement immergés définitivement.
... alors que d'autres auront les pieds dans l'eau !
Pour d’autres sites archéologiques, le paysage risque de se modifier considérablement ! Aujourd’hui à distance raisonnable du littoral, ils vont voir les eaux avancer. La basilique tardo-antique Saint-Romain (Gironde) ou encore le très beau château de Suscinio (Morbihan) vont davantage ressembler à des presqu’îles cernées par les eaux. Qu’on se rassure le Mont-Saint-Michel sera toujours hors d’eau, mais son accès risque de devenir bien difficile. Et que dire de la splendide cathédrale de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) ? Imaginez-là, sur son île de quelques km² au large du littoral et inaccessible !
Combien d’autres sites archéologiques vont-ils ainsi se retrouver encerclés par les eaux ou en bord de mer ou de rivière ? La villa gallo-romaine de Plassac (embouchure de la Gironde) ou les thermes gallo-romain du Pérénnou (Finistère) et du Hogolo (Côtes d'Armor), assurément. L’abbaye de Jumièges (Seine-Maritime) également, enserrée dans une boucle de la Seine.
Quand d'anciens ports redeviendront... des ports !
Les amateurs d'Antiquité méditerranéenne connaissent bien les sites de Lattes/Lattara (Hérault) et de Fréjus (Var). Ces deux villes portuaires (du VIe s. av. J.-C. jusqu’au Haut-Empire pour Lattes, à l’époque romaine pour Fréjus) ont vu les eaux reculer et leur port disparaître.
Si la remontée des océans se confirme, Lattes (aujourd’hui à plusieurs km du littoral) se retrouverait, comme il y a 2 000 ans, bordée par la mer ! A Fréjus, le port romain aujourd’hui en pleine terre serait également envahi par les eaux, mais seulement si elles montaient d'1,50 m. La lanterne d’Auguste, interprétée comme un repère pour les marins à l’entrée du port, pourrait alors retrouver sa fonction initiale !
Et si on s’éloigne un peu de nos frontières, que dire de Portus, le grand port de la Rome impériale ? Port artificiel creusé sous l’empereur Claude, il a été agrandi sous Trajan au début du IIe s. apr. J.-C. Ce secteur aujourd’hui en plein terre est occupé en partie par l’aéroport de Fiumicino. On y trouve également de nombreux et spectaculaires vestiges des infrastructures portuaires antiques (portique, entrepôts, grands bâtiments administratifs) et le musée consacré aux navires découverts lors des fouilles menées dans ce secteur. Si les projections les plus alarmistes se confirment, c’est une grande partie de l’ancien bassin de Claude qui sera, à la fin du siècle, recouvert par les eaux, comme il l’était au temps de sa splendeur !
Et ailleurs dans le monde ?
Ce n'est pas pour nous rassurer, mais bien d’autres sites aux quatre coins du monde sont également menacés d’ennoiement. En Italie, et sans même parler de Venise, c’est toute la région du delta du Pô qui risque d’être submergée. A Ravenne, l’exceptionnel mausolée de Théodoric, roi des Ostrogoth aux Ve-VIe. s. apr. J.-C. pourrait bien se retrouver en bord de mer. A peu de distance, il faut imaginer que le site de Classe, ancien port de la ville romaine, mais également la basilique paléochrétienne voisine, seront entièrement recouverts par les eaux… Un peu plus au nord, les vestiges de la ville romaine d'Aquilée devraient, un jour ou l'autre, se retrouver sur une presqu’île...
Chez nos voisins anglais, cernés de toute part par l’océan, de nombreux sites sont également menacés de submersion complète : par exemple le site préhistorique de Flag Fen et ses reconstitutions (Cambridgeshire), ou encore le somptueux fort de Camber Castle (East Sussex). D’autres, comme les châteaux de Pevensey (East Sussex) ou de Castel Rising, risquent bien de se retrouver cernés par les eaux !
Les autres continents ne sont pas en reste, même si de très nombreux sites archéologiques sont à l'abri, car édifiés en hauteur, à des altitudes bien supérieures au niveau de la mer. A Alexandrie (Egypte) les vestiges de la ville antique sont d’ores et déjà recouverts par la ville moderne ; mais dans quelques décennies, c’est bien la quasi-intégralité de celle-ci, au débouché du delta du Nil, qui devrait disparaître. Au Mexique, le site olmèque de La Venta (1 000-600 av. J.-C.) devrait se retrouver isolé, cerné par la mer. Vous imaginez la grande pyramide, haute de 30 m, surgir de la jungle, au cœur de cette nouvelle île ?
Ça fait un peu peur, mais pas de catastrophisme ! Tout cela est avant tout issu de projections, de modèles mathématiques et de simulations. Les civilisations qui nous ont précédés en ont vu d’autres. Profitons de ces sites tant qu’ils sont là, prenons-en soin, et rappelons nous que la nature sera toujours la plus forte !