Les mystérieuses momies du Xinjiang 2/2
Une culture inconnue au cœur du désert
Une culture inconnue au cœur du désert
Raconté pour vous par Cécile, le 18 décembre 2022 - temps de lecture : 5 mn
Quand ? Il y a entre 4 000 et 2 000 ans - Où ? Chine
Suite de notre découverte des étranges momies du bassin du Tarim !
Qui étaient-elles ? Comment des gens pouvaient-ils vivre dans le Taklamakan ?
Dans cette deuxième partie, voyons ce que l'on peut comprendre des conditions de vie et du cadre environnemental dans lequel évoluait cette population isolée, il y a plus de 2 000 ans.
Et finalement, d'où venaient ces gens ?
L’avantage des conditions climatiques desséchantes, c’est que toutes les matières organiques sont conservées dans le temps, pas uniquement les corps humains. Ainsi, c’est l’ensemble des installations funéraires qui s’est révélé, intact, aux yeux des archéologues.
Les défunts étaient inhumés dans le sable, dans des cercueils de bois, en forme de barque retournée. Avant d’être enfouies, les tombes étaient recouvertes de peaux animales et entourées d’offrandes, parmi lesquelles des paniers tressés contenant des grains de millet, d’orge et de blé.
En surface, les tombes étaient signalées par de hauts poteaux sculptés et peints. Ces stèles très nombreuses figurent parfois des humains, mais la plupart sont des panneaux en forme de rame, accentuant encore l’étrangeté du site : la nécropole ressemble à un port englouti avec ses bateaux, mais où l’eau aurait été remplacée par du sable.
Les individus étaient vêtus de tunique, jupes, pantalons, bottes et chapeaux, bonnets et coiffes variés. Ils étaient aussi enroulés dans des châles ou des couvertures. Ils utilisaient des laines colorées, feutrées ou finement tissées, mais aussi le cuir et les fourrures. Ils portaient en outre divers amulettes et bijoux en bois, jade ou os.
Mais que font ces nécropoles au milieu du désert ?
Où sont les lieux de vie et comment vivre dans un tel environnement ?
Pour répondre à ces questions, il faut déjà établir à quand remontent ces cimetières. Principalement datés par la méthode du radiocarbone, ils s’échelonnent sur quelques 2 000 ans d’un site à l’autre, globalement entre 2 210 et 200 av. n. è., durant ce qui était dans la région l’âge du Bronze.
Des sites, il y en a beaucoup dans le bassin du Tarim... Et pas seulement des nécropoles ! Les lieux de vie sont en fait répartis sur tout le pourtour du désert du Taklamakan, mais aussi, en son cœur, le long d’anciens bras fluviaux, à présent asséchés, d’un vaste réseau hydrographique intérieur. C’est le cas de la vallée de la Keriya, qui a fait l’objet d’une exploration approfondie.
On sait maintenant que l’immense bassin du Tarim est occupé depuis quelques 4 100 ans environ, sur des sites habités les uns après les autres.
Les populations n’étaient pourtant pas nomades. En fait, elles vivaient dans de petites oasis irriguées, sur les franges du désert et dans les vallées fluviales le recoupant.
Tout l’espace vivrier disponible étant exploité, cela explique pourquoi les nécropoles étaient implantées dans les dunes.
L’occupation humaine a d’abord pris la forme de villages, mais de vastes cités ont aussi existé quelques siècles plus tard, comme celle de Djoumboulak Koum, habitée au IVe s. av. n. è. Toutefois, aucune de ces oasis n’était vraiment stable, aussi étaient-elles abandonnées à intervalles réguliers, au gré des mouvements du désert et des bras d’eau.
L’économie était principalement fondée sur une forme d’agriculture vivrière et d'élevage adaptés à l’environnement. C’est donc de champs locaux que provenaient les offrandes de céréales qui accompagnaient les défunts dans la tombe.
L’élevage constituait une activité tout aussi importante : chèvres, moutons, bœufs, chameaux, équidés, chien et coq étaient domestiqués. La production de laine et de produits laitiers (des fromages ont été retrouvés avec les momies) semble ainsi avoir été une ressource majeure.
Installées à proximité des deux grandes voies de franchissement du Taklamakan (une au nord, une au sud), ces oasis étaient aussi en relation avec les autres cultures des régions voisines, auprès de qui les habitants semblent avoir acquis les technologies agricoles et pastorales qu’ils utilisaient.
Il ne faut cependant pas se méprendre sur l’homogénéité culturelle de toutes ces populations. Le bassin du Tarim est vaste comme la France, et 2 000 ans séparent les sites les plus vieux des plus récents. A ces échelles, il va de soi que les modes de vie et de pensée ont énormément évolués, sans parler des régimes politiques. Un point commun unit cependant tous ces sites : leurs nécropoles accueillent toujours des individus à la physionomie dite europoïde.
Une énigme se posait donc toujours : d’où venaient ces populations aux traits européens ? D’Iran, de la Mer Noire ? Les hypothèses les plus fantaisistes ont parfois été avancées, notamment l’idée qu’il s’agissait de Celtes de la civilisation de Hallstatt… C’est finalement la génétique qui a tranché, en 2021, révélant un aspect inattendu du peuplement préhistorique de l’Asie centrale. Les populations des nécropoles de Qäwrighul et de Xiaohe, datées autour de 2 000 av. n. è., possédaient un ADN très ancien et à présent disparu, celui des Anciens Eurasiatiques du Nord.
Il s’agissait des groupes humains vivant sur place depuis plusieurs dizaines de milliers d’années, mais en voie d’extinction vers 10 000 av. n. è. Les habitants de l’âge du Bronze du bassin du Tarim étaient donc les derniers descendants directs de ces peuplades autochtones du Paléolithique. Chose étonnante : leur culture a beaucoup évolué en l’espace de 2 000 ans, grâce aux échanges avec les peuples du pourtour du désert. En revanche, s’ils étaient ouverts et perméables aux changements en matière de technologies, mais aussi de langues et de religions, ils sont restés génétiquement isolés, c'est-à-dire qu’ils ne se métissaient pas ou peu. Ils constituaient l’extrémité de ce que l’on appelle un goulot d’étranglement génétique.
Comment ont-ils finalement disparu ?
On ne le sait pas encore… Le bassin du Tarim n’a pas encore livré tous ses secrets !