Les Étrusques en 10 questions
Les Étrusques et leurs voisins
Raconté pour vous par Cécile, le 18 mai 2021 - temps de lecture : 4 mn
Où ? Italie, Sardaigne, Corse, France, Espagne - Quand ? vers 750 - vers 250 av. J.-C. - Période : âge du Fer - époque romaine
Il serait dommage de limiter l’image des Étrusques à celle de l’histoire de l’Italie. En effet, c’était un peuple tourné vers l’extérieur, vers l’Orient méditerranéen, la mer bien sûr, mais aussi vers les Alpes, et ils ne se sont jamais renfermés sur eux-mêmes. Ils formaient ainsi un peuple ouvert d’esprit et sensible à des influences culturelles étrangères variées.
6. D'où viennent les Étrusques ?
On considère actuellement que la civilisation étrusque, telle qu’on la voit se structurer au VIIIe s., est le fruit de mélanges génétiques et culturels entre les populations autochtones de l’âge du Bronze et toutes les vagues d’immigrants qui ont atteint le centre de la péninsule italique entre les années 1200 et 800 av. J.-C.
Parmi ces derniers, il est vraisemblable d’y inclure des Grecs et des colons venus d’Asie mineure, suivant ainsi certains auteurs antiques qui voyaient les Étrusques comme les descendants de populations de Méditerranée orientale. Cette région connût en effet à la fin de l’âge du Bronze de profondes mutations, qui ont pu conduire à la migration de grands groupes d’individus.
Les essais d’analyses ADN effectuées sur des squelettes archéologiques pour essayer de résoudre le mystère de l’ethnogenèse des Étrusques n’ont pas encore donné de résultats recevables.
Sur le plan strictement archéologique, les aïeux directs des Étrusques sont les Villanoviens, qui avaient construit au début de l’âge du Fer, vers 900-750 av. J.-C., une brillante culture, marquée notamment par une production de bronzes et de céramiques d’une grande finesse et par des rites funéraires originaux, sur les territoires qui seront ceux de l’Étrurie. Les traits culturels étrusques qui émergent progressivement au cours du VIIIe s. av. J.-C. sont les évolutions de ceux de la culture de Villanova.
7. De grands marins et de grands marchands
La découverte de mobilier étrusque sur de nombreux plusieurs sites archéologiques en Espagne, en Corse, sur le littoral provençal et languedocien, mais aussi loin dans les terres en France continentale (à Bourges ou Lyon par exemple) et jusqu’en Allemagne du sud, a très vite prouvé que les Étrusques étaient des négociants hors pair.
Leur spécialité était le commerce maritime à longue distance, qualité qu’ils partageaient avec les Carthaginois, et qui les opposa plusieurs fois aux Grecs. La prépondérance étrusque dans ce domaine a connu son apogée au VIe s. av. J.-C. Diverses productions connues par des découvertes d'amphores spécifiques, comme du vin, de l’huile d’olive, des saumures de poissons, mais aussi et de la céramique précieuse et des bronzes se retrouvent ainsi en Sardaigne, sur les sites celto-ligures de l’Aude comme Pech Maho, ou encore dans les colonies grecques comme Agde (Hérault) ou Ampurias (Catalogne).
Par les voies fluviales et terrestres, les Étrusques ont fait pénétrer leur art et certains aspects de leur culture, comme la consommation de vin et le cérémonial l’accompagnant (avec l’ensemble des vases et coupes précieuses dédiées au service), loin au Nord, par delà les Alpes. Ils étaient ainsi en contact avec les fastueuses Principautés celtiques de l’Allemagne du Sud et de France.
C’est ainsi que le prince celte de l’extraordinaire tombe de Hochdorf (Ludwigsburg, Bade-Wurtemberg) a été inhumé, au VIe s. av. J.-C, sur un magnifique trône-banquette étrusque en bronze, chaussé de bottines à bout pointu recouvertes de feuilles d’or, elles aussi typiquement étrusques.
En Bourgogne, au début du Ve s. av. J.-C., la Princesse de Vix s’est faite accompagnée dans la mort par un luxueux mobilier funéraire lié à la cérémonie du vin, dont l'impressionnant cratère (vase géant pour le vin pur) fabriqué en Grande Grèce (Italie du Sud) et de larges plats en bronze de facture étrusque.
8. Étrusques, Grecs, Romains … mais aussi Carthaginois et Celtes !
Les interactions entre Étrusques et Grecs ont été très riches, ces derniers ayant notamment beaucoup influencé les techniques et les codes esthétiques de l’art étrusque, tant en peinture qu’en architecture.
Ce lien tenait aux apports de populations venant de Grèce continentale ou d’Asie mineure, installées en Étrurie au cours des VIIIe-VIe s. av. J.-C., mais aussi aux contacts avec les colonies de Grande Grèce, c'est-à-dire du Sud de l’Italie.
Toutefois, on s’aperçoit vite que ces emprunts stylistiques sont surtout formels : ils sont utilisés pour exprimer des idées et des traits culturels proprement étrusques.
Ainsi, les remarquables peintures murales des tombes étrusques accompagnent une symbolique et un rapport à la mort différents de ceux des Grecs.
Toutefois, les deux communautés étaient très proches, et il est vraisemblable qu’une partie de la population initiale de Rome était étrusque.
Romulus lui-même assura les rites de fondation de l’Urbs en suivant les pratiques divinatoires étrusques.
On n’oubliera pas non plus que trois rois étrusques ont régné sur Rome aux VIIe et VIe s. av. J.-C. ! Durant les siècles qui suivirent, les liens et échanges entre Rome et les cités étrusques du Latium restèrent encore très étroits. Ainsi les célèbres courses de chars et les combats de gladiateurs sont des traditions étrusques !
Tout à l'histoire grecque et romaine, on oublie souvent que les Étrusques ont aussi été en contact étroit avec deux autres grandes civilisations : les puissants Carthaginois de Tunisie et de Sicile, et les turbulents celtes de la vallée du Pô.
Avec les Carthaginois, les relations étaient cordiales et ils ont plusieurs fois noué avec eux des alliances militaires, même s’ils étaient de redoutables concurrents dans le domaine économique. Des communautés carthaginoises étaient peut-être installées dans plusieurs villes côtières d’Étrurie et auraient pu se fondre à la population. C’est ce qu'indiquerait la dédicace du temple B du grand port de Pyrgi, refait à la fin du VIe s., av. J.-C., qui était dédié à la déesse étrusque Uni, assimilée dans le texte à l’Astarté carthaginoise.
Sur les piémonts alpins, les contacts avec les Celtes ont été moins amicaux. Aux Ve s. et IVe s. av. J.-C., divers groupes celtiques en provenance du nord de la couronne alpine s’implantent dans la vallée du Pô, en enlevant par la force des bouts de territoires aux cités étrusques. Felsina (Bologne) en fait les frais, comme Milan (Melpum).
Les populations se mélangèrent toutefois facilement, comme l’illustre le très beau site étrucso-celte de Monte Bibele (Monterenzio, Émilie-Romagne).
A partir du IIIe s. av. J.-C., la question des arrivées de Celtes deviendra le problème des Romains.
9. Quels traits culturels les distinguent des autres peuples d’Italie ?
Bien qu’ayant volontiers adopté, tout au long de leur histoire, les traits culturels étrangers qui leur semblaient intéressants, les Étrusques sont resté un peuple original. Ils sont en cela représentatifs d’autres cultures italiques héritières des civilisations de l’âge du Bronze, comme les Osques et les Ombres, par exemple, dont le rayonnement a été moindre cependant.
Au moins 3 traits culturels directement issus de l’évolution de la Culture de Villanova les démarquent de leurs mentors grecs.
1. La première est l’émancipation des femmes, très étonnante pour l'époque.
La liberté dont elles jouissaient scandalisait les Romains et les Grecs du sud de l’Italie, d’autant que dans le monde grec, hommes et femmes ne se mélangeaient pas et que ces dernières n’étaient libres ni de leur parole, ni de leurs mouvements.
Or chez les Étrusques, on les voit, en sculpture ou sur les peintures murales, assister aux spectacles sportifs et même (comble d’indécence) siéger aux banquets en compagnie de leurs époux, et à un même rang de dignité, encore !
Leur rôle principal restait de gouverner le foyer familial, mais elles étaient reconnues sur le plan juridique et n’étaient privées d’aucun des plaisirs de la vie accordés aux hommes.
2. La seconde des spécificités étrusques est leur langue, unique en son genre, et connue par une grandes quantité d’inscriptions. Son écriture apparaît au VIIIe s. av. J.-C. Les Étrusques ont adopté un alphabet grec modifié, qui transcrit le langage parlé par les aïeux de l’âge du Bronze.
Si elle est maintenant bien comprise, elle reste une langue isolée, ne se rattachant qu’à deux autres vocables très partiellement connus : celui du pays alpin des Rhètes (nord de l’Italie), et celui de l’île de Lemnos, au large de la Turquie, réputée pour être l’un des berceaux des Étrusques. Il s’agit dans les deux cas de langues non indo-européennes très archaïques, dont l’étrusque serait à la fois le mélange et la survivance.
3. Enfin, les Étrusques étaient réputés pour leur maîtrise des arts divinatoires, désignée par l’expression latine de disciplina etrusca.
C’était un ensemble de pratiques religieuses très respectées, permettant de décrypter, par différents moyens, les signes envoyés par les dieux pour prévenir les mortels.
Les augures interprétaient le vol des oiseaux, les fulguratores la manière dont tombait la foudre. Les plus connus, les haruspices, examinaient les entrailles d’animaux sacrifiés.
L’art divinatoire étrusque est très bien connu parce qu’il a été adopté par les Romains et qu’il est resté en usage jusqu’à la christianisation de l’Empire.
10. Comment ont-ils disparus ?
Ils n’ont pas disparu à proprement parler, mais se sont progressivement fondus dans la culture latine, à partir de leur intégration dans la République romaine en 264 av. J.-C. Ils conservèrent cependant des traits culturels propres très marqués pendant près de 150 ans, accompagnant une grande autonomie politique.
Au début du Ier s. av. J.-C., cependant, à la suite de la guerre civile opposant, à Rome, les généraux Marius et Sylla (89-87 av. J.-C), plusieurs colonies romaines furent fondées en Étrurie, apportant d’importants contingents de populations latines, qui ont contribué à achever le brassage culturel commencé au IIIe s. av. J.-C.
Dès la 2nde moitié du Ier s. av. J.-C., sous César et Auguste, les Étrusques avaient adopté l’ensemble des pratiques, modes, langues et coutumes romaines.