Raconté pour vous par Maxence, le 5 juin 2022 - temps de lecture : 5 mn
Quand ? Paléolithique
Où ? France
Art magdalénien, occupation solutréenne ou halte de chasse acheuléenne, les initiés savent qu’il s’agit de Préhistoire. Mais que veulent dire ces drôles d’appellations ? Pourquoi les utilise-t-on et quelle est leur origine ?
Entrée de la grotte d'Aurignac (Haute-Garonne) - © Toto-22 / CC BY-SA
En France, il ne reste des cultures de la Préhistoire ancienne (Paléolithique et Mésolithique, qui se termine vers 6 000 av. n.è. environ) que des vestiges bien ténus. Ceux qui se conservent le mieux sont les objets en pierre, qui ne subissent pas les assauts du temps.
Au XIXe s., alors que des gisements sont découverts et étudiés de façon scientifique, les premiers savants qui s’intéressent à ces vestiges se rendent compte que les objets retrouvés peuvent être classés en différentes catégories. Le type d’objets fabriqués, leur forme ou leurs dimensions, la façon de les fabriquer sont autant de caractéristiques qui permettent de distinguer ce qu’on appelle des « industries ». Elles témoignent d’autant d’étapes dans la transformation des sociétés préhistoriques et des technologies qu’ils maîtrisent.
Racloirs du Paléolithique - © Didier Descouens / CC BY-SA
Classification des outils en pierre établie par G. de Mortillet en 1869
Dès cette époque, les premiers préhistoriens en déduisent que ces différentes industries reflètent les évolutions des capacités des groupes humains à maîtriser les matériaux et des technologies. A une époque où il n’existe aucune méthode pour dater (radiocarbone, thermoluminescence ou autre méthode), c’est un premier pas (de géant) pour placer les sites préhistoriques dans une chronologie.
Tout simplement, les industries ont été définies sur la base de sites où elles ont été identifiées, ou de ceux qui ont livré les assemblages d’objets les plus typiques. Ainsi le Magdalénien est issu du site de La Madeleine (Tursac, Dordogne), l’Acheuléen de Saint-Acheul (Amiens, Somme) ou le Solutréen du site de la Roche de Solutré (Saône-et-Loire).
Beaucoup de ces lieux sont en France, et nous rappellent que la France a été un moteur de la recherche en Préhistoire. Pour autant, ces industries sont aujourd’hui utilisées également pour dater et caractériser des sites dans toute l’Europe !
Le grand principe ces ces classifications est la présence d'objets ou de façon de fabriquer typiques et reconnaissables, à l'image de la lame en feuille de laurier du Solutréen, le biface acheuléen ou encore les pointes à dos courbé de l'Azilien.
Et plus, on avance dans le temps, plus les industries peuvent également être fondées sur d'autres critères, comme les objets en os ou les témoignages artistiques tels que les peintures rupestres, les gravures ou la statuaire. Par extension, les noms donnés à ses industries sont donc devenus ceux de ce qui a été compris comme des "cultures", dépassant la idée d'une simple maîtrise technique. On parle ainsi de "culture magdalénienne", par exemple, pour désigner toutes les formes d'art (peintures rupestres) et d'industrie (silex taillés, travail de l'os) correspondant aux sociétés qui vivaient en Europe de l'Ouest vers 15 000 ans avant notre ère.
Les premiers savants qui se sont intéressés à la Préhistoire avaient non seulement identifié des industries, mais avaient également compris les bases de la stratigraphie : les vestiges les plus profondément enfouis sont les plus anciens. En fouillant des vestiges en plein air ou dans des grottes, ils avaient donc établi une chronologie relative (plus ancien/plus récent) dans ces industries.
C’est progressivement, au cours de la seconde moitié du XXe s., avec l’apparition puis le développement des méthodes de datation, que les archéologues ont pu mettre des dates sur ces industries.
Mais attention ! Durant la Préhistoire, les façons de faire, de travailler les matières premières se transmettent, se diffusent à des rythmes très variables : on maîtrise la fabrication de la feuille de laurier, outil typique du Solutréen, à des époques différentes suivant les régions. De ce fait, les Préhistoriens décrivent les gisements qu’ils fouillent à la fois par une chronologie absolue (des dates, une période d’occupation) et par l’industrie qui définit le groupe humain qui a fréquenté ce lieu il y a des millénaires.
Dans une même région, à la même époque, plusieurs cultures ont donc pu se côtoyer ! Alors imaginez-vous bien qu’à l’échelle d’un continent, les différences peuvent être très importantes.
Comme vous l’avez compris, c’est à la fois simple… et compliqué : Quand des archéologues fouillent et étudient un site, les objets retrouvés permettent d’identifier le stade d’évolution et les technologies maîtrisées, et les industries situent les occupations dans une grande fourchette de temps. Les datations de laboratoire permettent ensuite d’affiner la chronologie : chaque site est unique, et est une petite pièce d’un grand puzzle plurimillénaire dans lequel chaque groupe humain raconte une histoire !
Une dernière précaution : tout cela n’a pas complètement de rapport avec les espèces humains, qu’ils s’agisse de Néandertal ou de Cro-Magnon. Ça, c'est encore une autre histoire, car les espèces ont pu occuper certaines régions en même temps, et ont pu fabriquer leurs objets de façon similaire. Et comme les restes humains sont souvent peu abondants sur les gisements préhistoriques, associer leur fréquentation à telle ou telle espèce est le plus souvent difficile.
De tout ça, vous aurez retenu que ces industries servent à la fois à décrire une période de la Préhistoire ET un stade d'évolution technologique. Si les sites français servent encore de référence au-delà de nos frontières, vous imaginez bien que les autres continents ont établi leurs propres classifications ! Ainsi la culture Clovis décrit-elle, par exemple, les groupes humains d'il y a environ 13 000 ans dans une grande partie de l'Amérique.
Les périodes récentes ne sont pas en reste, la chronologie du millénaire avant notre ère étant, dans une large partie de l'Europe, basée sur des assemblages de mobilier (principalement métallique cette fois-ci) identifiés sur les sites de Hallstatt (Autriche) et de La Tène (Suisse).
Mais ArchéOdyssée reviendra plus tard sur ces deux sites spectaculaires et d'une importance fondamentale pour la période qualifiée d'âge du Fer.