A quoi servent les calendriers ?

Raconté pour vous par Cécile, le 27 décembre 2020 - temps de lecture : 5 mn

Pensez-vous qu’il y a 2000 ans, à Rome, les vigiles urbani (les pompiers) passaient de porte en porte pour vendre des calendriers à la nouvelle année ? Rien que de les imaginer grimpant les escaliers des immenses immeubles de la capitale avec des piles de plaques de marbres gravées d’athlètes nus est assez amusant.

Mais les calendriers étaient des objets très sérieux : pas question de les agrémenter de dessins de chatons se roulant dans des pelotes de laine !

Dans la suite de l'article de la semaine dernière où vous avez découvert comment différentes sociétés concevaient et calculaient le temps, voyons maintenant plus en détail le rôle des calendriers... et vous verrez qu'il en existe de nombreuses catégories !

1. A quoi servent les calendriers ?

Notre mot « calendrier » vient du latin calendarium, lui-même une dérivation du mot calendae, qui désigne le premier jour de chaque mois chez les Romains. Les calendes étaient très importantes car c’était le jour des proclamations publiques réglant l’organisation de la vie collective, dont les jours de marché, les jeux et les célébrations religieuses. C’est de la nécessité d’enregistrer ces événements mensuels, dont le rythme était régulier, qu’est né le calendarium, littéralement « inventaire de ce qui est annoncé aux calendes ».

Mais bien sûr, les calendriers sont beaucoup plus anciens que l'époque romaine ! Ils sont apparus au Néolithique, avec la vie en collectivité et le respect de dates récurrentes, d’abord liées aux rythmes de la nature et au déroulé des saisons, qui conditionnaient les périodes de chasse et de cueillette, puis les travaux agro-pastoraux. Très rapidement, ces manifestations naturelles ont également donné lieu à des interprétations religieuses. Ces échéances régulières et l’importance qui leur était accordée par les communautés humaines ont impliqué la mise en place de rites, fêtes et événements, qu’ils soient religieux, économiques (foires, récoltes…) ou politiques (dates anniversaires notamment).

Les Très Riches Heures du duc de Berry (XVe s.), section du calendrier : mois de février - Crédits : Limbourg brothers / public domain
Les Très Riches Heures du duc de Berry (XVe s.), section du calendrier : mois de juin- Crédits : Limbourg brothers / public domain
Les Très Riches Heures du duc de Berry (XVe s.), section du calendrier : mois de juillet- Crédits : Limbourg brothers / public domain

Dès lors que des dates devaient être établies et respectées, les populations ont appris à se repérer dans l’évolution du temps, d’abord par cycles courts liés aux cadences de la vie quotidienne (rythme journalier du soleil), puis par cycles plus longs, mensuels (phases de la lune), saisonniers et annuels. De manière à la fois empirique et intuitive, ce sont naturellement les cycles solaires et lunaires qui ont fondé notre lecture du temps. Il a ensuite été nécessaire de calculer des dates, c'est-à-dire prévoir à l’avance, se projeter dans le futur, puis trouver un moyen de matérialiser cette chronologie : c’est le rôle du calendrier... ou plutôt des calendriers !

Car il en existe en fait de nombreuses catégories, établies en fonction des besoins des groupes sociaux au sein de chaque communauté : c'est ainsi qu'il existait à l'époque romaine, par exemple, des calendriers dits "rustiques", rappelant les différentes étapes des travaux des champs, des calendriers religieux et civiques (les fastes), et même des éphémérides donnant, comme à la fin de la météo à la télé, les phases de la lune, les fêtes à célébrer et le dicton du jour, souvent le lien avec la météo saisonnière.

Trois types de calendriers romains : un almanach, un calendrier civil et religieux et un calendrier agricole

Un parapegme romain (région du Latium, fin du Ier s. av. J.-C.) : les parapegmes sont des sortes d'almanach, ou d'éphémérides. Ce calendrier particulier, qui se présente sous la forme d'une table, associe plusieurs types d'informations pratiques, dont les jours du mois, les phases des étoiles et de la lune, les jours de marché (NUNDINAE) et les prévisions météorologiques ou astronomiques. De petits trous permettaient d'insérer une cheville en face de la date et de la phase du jour. La liste ci-dessus donne ainsi le nom des villes dans lesquels se succèdent les marchés (oui oui, là où l'on achète ses poireaux et son poulet !). Sur ce type de calendrier, propre à chaque région d'Italie, c'était un critère très important qui rythmait le temps hebdomadaire.Crédits : Institute for the Study of the Ancient World / photographe : Guido Petruccioli
Les Fasti Vallenses (Ier s.) : les "fastes" sont les calendriers romains dressant la liste des célébrations civiques et religieuses à effectuer au cours de chaque mois. Une cinquantaine d'entre eux sont connus dans le monde latin. Le fragment ici conservé concerne les mois d'août (à gauche : AUGUSTAE) et septembre (à droite : SEPTEM(BER). Les grandes lettres en colonne indiquent la position du jour dans la huitaine romaine et leur statut (faste, néfaste, jour d'assemblée politique, de marché ...). Le 1er jour est marqué par un K pour "calendes", les 5e et 13e jours sont écrits en toutes lettres (NONAE et IDES) : ce sont des jours de référence importants. Les lignes de texte donnent le détail des événements à respecter et des dieux à consacrer.Crédits : Institute for the Study of the Ancient World / photographe : Guido Petruccioli
Menologium rusticum colotianum (Rome, Ier s. av. J.-C) : Le menologium rusticum est un calendrier agricole : il donne la liste mensuelle de toutes les tâches à accomplir à la ferme : pas seulement les semailles et les récoltes, mais tous les travaux attenant à l'agriculture et tous les étapes de l'élevage des animaux de la ferme : la fabrication et réparation des outils, les transhumances, la préparation des paniers de vendange... L'exemplaire présenté se lit ainsi : le socle est séparé en colonnes (3 par face). Sous chaque mois, représenté par son signe du Zodiaque et son nom, se lisent le nombre de jours du mois, le nombre d'heures de jour et d'heures de nuit, la divinité du mois, les tâches agricoles à effectuer et les fêtes religieuses à respecter.Crédits : Institute for the Study of the Ancient World / photographe : Guido Petruccioli

2. La nouvelle année ? Mais c'est quand, ça ?

Les calendriers commencent tous au premier jour de l’année, certes… mais ce dernier varie considérablement d’une culture à l’autre ! Un point commun tout de même : ils respectent en général comme point de départ un événement astronomique régulier, le début d’une phase lunaire par exemple, ou une subdivision de l’année solaire, comme un solstice ou un équinoxe.

C’est ainsi que le 1er jour de l’année romaine était le 1er mars ; celui de l’année inca le 22 Juin, au solstice d’été, marqué par la fête de l’Inti Raymi. L’année commence à l’inverse au solstice d’hiver pour les Maoris de Nouvelle-Zélande : c’est le jour de Matariki. Le nouvel an indou tombe quant à lui le 14 avril. C’est la fête du Puthandu, qui célèbre le jour où le dieu Brahma commença la création de l’univers, et correspond à l’entrée du Soleil dans la constellation du Bélier. Le 1er jour de l’année chinoise est calculé chaque année en fonction des phases de la lune et du soleil, et arrive entre janvier et février. L’année nouvelle du calendrier hébraïque est également calculée : c’est la période de Roch Hachana, qui dure 2 jours. En 2020, c’était les 19 et 20 septembre ; en 2021, ce seront les 07 et 08 septembre.

Les cérémonies de l'Inti Raymi à Cuzco (2017) Crédits : Mme Berthe / CC-BY SA
La fête de Matariki, encore célébrée de nos jours en Nouvelle-Zélande - Crédits : Verleih

Les difficultés à associer rythmes lunaires (le mois dure 29 ou 30 jours) et solaires (le mois dure 30 ou 31 jours), qui sont légèrement décalés, donne lieu à des constructions de calendriers acrobatiques : ainsi dans le calendrier chinois, qui est lunaire, des mois intercalaires doivent être rajoutés, à raison de 7 mois sur une période de 19 ans.

Nos années bissextiles relèvent d’une pirouette du même genre : il s’agit d’accorder cette fois le découpage du nombre de mois et de jours avec l’année solaire. Cette dernière compte en effet 365 jours, nombre non divisible par 12 (nombre de mois). C’est pourquoi nous alternons mois de 30 et de 31 jours plus un mois de 28 jours passant à 29 tous les 4 ans !

3. Comment fait-on un calendrier ?

Leur établissement est le fruit d’un travail d’astronomie et de mathématique complexe, effectué par des savants spécialisés, souvent des prêtres, qui en tiraient aussi des prédictions et interprétations religieuses. C’est ainsi qu’astronomie et astrologie ont été confondues pendant très longtemps !

Les phases du calendrier sont avant tout déterminées par le mouvement des corps célestes dans le ciel : le Soleil et la Lune, bien sûr, mais aussi les planètes et les étoiles, rassemblées en constellations dont il a été facile de remarquer qu’elles apparaissaient et disparaissaient cycliquement, suivant les saisons et le déroulé de la nuit.

L'établissement de tout calendrier passe donc au préalable par une phase de calculs difficiles, effectués à l'aide d'instruments tout aussi compliqués : les astrolabes, qui permettent de définir les mouvements des étoiles et planètes ! Les civilisations ont rivalisé d'ingéniosité pour inventer cartes, appareils, machines et mécanismes permettant de lire le ciel, comme l'archaïque et merveilleux disque de Nebra (voir notre article de la semaine dernière "5 mystérieux calendriers"), ou le monumental observatoire astronomique Jantar Mantar (Jaïpur, Inde - voir notre article "Que la lumière soit !").

Les calendriers religieux sont ainsi tous établis sur un mélange entre des phénomènes astronomiques/météorologiques et des récits mythologiques ou faits historiques propres à chaque religion.

Ci-contre : un appareil extraordinaire : l'horloge astronomique d'Anticythère (Musée National Archéologique d'Athènes). Découverte dans une épave en 1900, elle date du IIIe ou du IIe s. av. J.-C. C'est un calculateur de positions astronomiques, d'une précision et d'une complexité inédite pour l'Antiquité européenne, et inégalée jusqu'à la fin du Moyen Âge !

Alors ?

Qui pensait, en regardant d'un œil distrait son calendrier de 2021 (au choix : avec chatons, pompiers nus ou photos des enfants de la famille) que ces objets légers, simples et pratiques avaient derrière eux une aussi longue histoire et qu'ils étaient le fruit du patient travail de milliers de générations d'observateurs et savants ?

Mosaïque du calendrier agricole de Saint-Romain-en-Gal (IIe s.) : la cueillette des olives - Crédits : RMN / MAN
Mosaïque du calendrier agricole de Saint-Romain-en-Gal (IIe s.) : la fête des moissons - Crédits : RMN / MAN
Mosaïque du calendrier agricole de Saint-Romain-en-Gal (IIe s.) : le pressage des raisins - Crédits : RMN / MAN
Mosaïque du calendrier agricole de Saint-Romain-en-Gal (IIe s.) : l'Hiver - Crédits : RMN / MAN

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