Mystérieux pétroglyphes

Des messages à travers les siècles

Raconté pour vous par Cécile, le 04 janvier 2023 - temps de lecture : 5 mn

Quand ? Il y a entre 4 000 et 85 ans - Où ? Chine, Égypte, France, Italie.

Qu’est-ce qu’un pétroglyphe, en fait ? On voit bien le sens général du mot d’après son étymologie : c’est un signe (-glyphe) sur la pierre ou bien un signe en pierre (pétro-). Quelle différence alors avec une frise sculptée ou une inscription gravée ? ou avec une gravure rupestre ?

Sur le plan technique, il n’y en a pas. La différence, c’est qu’on réserve le terme de glyphe aux œuvres ou messages qui se distinguent des formes figuratives aisées à identifiées (comme les gravures préhistoriques d’animaux) et dont on ne comprend pas la signification, ou du moins pas encore.

Glyphe étant un terme assez générique, c’est ainsi toujours le mot qui désigne chaque idéogramme/pictogramme/phonogramme de l’écriture mésoaméricaine précolombienne. Ces éléments à la forme étrange méritaient bien le titre de pétroglyphes au moment de leurs premières découvertes, sur les grands monuments des cités mayas ou aztèques ! C’est plus simple pour nous, qui employons des lettres…

Pour autant, tous les pétroglyphes ne sont sans doute pas des systèmes d’écritures ou des messages pictographiques codés. Certains pourraient tout simplement être des motifs décoratifs. En fait, au mieux on connaîtra chaque site archéologique qui en accueille, au plus on disposera d’hypothèses d’interprétation et d’indices de datation. C’est qu’il est très difficile de dater des gravures sur roches, ce qui n’aide pas à leur compréhension. Sauf dans les cas où sont représentés des objets spécifiques à une période (une charrue par exemple, qui montre que l’œuvre a été gravée après l’adoption de l’agriculture dans le secteur où elle se trouve), il n’y a pas de moyen de connaître leur âge.

Examinons donc tout de suite quelques-uns de ces sites encore mystérieux abritant des pétroglyphes, et vous pourrez nous donner votre sentiment sur ce qu’ils vous évoquent !

1. A Peneda Negra (Espagne)

Les pétroglyphes et gravures rupestres sont nombreux dans la péninsule ibérique, particulièrement à la frontière Espagne/Portugal (entre le sud de la Galice et le nord de la région Norte), dans ce qui est appelé côté espagnol le Macizo Galaico (le massif galicien). Nous présentons ici ceux du merveilleux site de A Peneda Negra, en Galice, où les pétroglyphes s’étirent au sol sur 80 m sur 20m, sur d’immenses dalles inclinées.

Vue générale de l'une des dalles - © Parque Compostela Rupestre
Glyphe géométrique sur une vue rapprochée d'une dalle - © Megaliticia

Ce vaste aplat rocheux est donc le support de groupes de formes géométriques où se combinent des cercles concentriques, des sortes de spirales, des lignes et des séries de cupules, l’ensemble dessinant des figures complexes, jamais deux fois semblables. On ne peut s’empêcher d’éprouver une envie de dégager la végétation pour suivre des doigts les étranges motifs et essayer de les comprendre !

Relevé de l'un des groupes de gravures - © Antonio de la Peña Santos / Parque Compostela Rupestre.Pour admirer davantage de ces pétroglyphes régionaux, voir A. de la Peña Santos, J. M. Rey Garcia 2001, "Ideología y sociedad en los grabados rupestres galaicos", Quaderns de prehistòria i arqueologia de Castelló, nº. 22, 2001. Texte téléchargeable.

Le fait que les gravures soient à plat, à moitié recouvertes par les feuilles et la mousse, donne vraiment le sentiment que l’on est en train de découvrir un site sauvage et inconnu. La première impression est juste, car ce n’est pas un endroit fréquenté. Quant à la seconde, elle n’est pas tout à fait fausse non plus : les glyphes sont répertoriés et dessinés, mais pour le moment, on ne comprend pas leur sens. On est donc bien face à l’inconnu. Par comparaison avec d’autres sites européens présentant des associations de signes similaires, certains dans des contextes archéologiques mieux compris, on propose d’y voir les traces laissées par les habitants des IIIe et IIe millénaires avant notre ère.

Cercles concentriques, cupules et lignes - © Megaliticia
Groupe de cercles à cupules - © Megaliticia

2. Nanaimo, Petroglyphs Provincial Park (Canada)

Un bond de quelques 8 000 km vers l’ouest et nous emmène à présent en Colombie Britannique, pour admirer les gravures du Petroglyph Provincial Park de Nanaimo. Là, au cœur de la forêt, sur de larges rochers aplanis, tout un bestiaire fantasmagorique surgit du sol.

© Ymblanter /CC BY-SA

Dans un méli-mélo de formes ondulantes se dessinent l’échine épineuse d’un grand lézard, le profil d’un oiseau au long cou, la gueule ouverte d’une sorte de dragon, un poisson plat, un mille-pattes… Aucun de ces animaux composites n’est vraiment réaliste, mais il émane de cette masse fourmillante une impression puissante de vie, de mouvement, comme si les forces de la Nature s’animaient et se projetaient sur la pierre, prêtes à sortir du rocher sous la forme de ces animaux fabuleux.

© Trip Advisor / Paperella68
© Trip Advisor / Paperella68
© Nanaimo Provincial Park

Leur gravure est attribuée au peuple amérindien des Salishes de la Côte, mais simplement parce qu’il s’agit du plus ancien groupe culturel décrit sur place, au XVIe siècle. Des pigments conservés dans certaines gravures, qui montrent qu’elles pouvaient aussi être peintes, ont été datés d’il y a 2 000 ans. Cela ne donne toutefois pas l’âge de l’ensemble des œuvres.

3. Monumento Nacional Guayabo (Costa Rica)

Vue générale de la partie du site dégagée et mise en valeur - © Steve L. Martin / CC BY

Enfin des pétroglyphes associés à un site archéologique fouillé et bien connu ! Comme nous le disions en introduction, les gravures elles-mêmes ne peuvent pas être précisément datées, mais au moins, à Guayabo de Turrialba, on en sait un peu plus sur les gens qui les ont faites, car elles se trouvent… au milieu d’une ville de l’époque précolombienne.

Et Guayabo était une très grande ville, la plus vaste connue au Costa Rica, occupée entre 1 000 av. notre ère et les environs de 1400. Son plan et son type d’urbanisme la distingue tout à fait des cités des sphères d’influence aztèques / mayas du nord, ou incas (et ses prédécesseurs) en Amérique du Sud. La Méso-Amérique précolombienne et en effet un espace culturel bien particulier.

Le site de Guayabo est caractérisé avant tout par ses énormes plateformes rondes, surélevées jusqu’à 4,5 m de hauteur servant de fondations au bâti. L’agglomération était aussi dotée d’un impressionnant réseau hydraulique comprenant des aqueducs, des canaux et des bassins de retenue d’eau, ainsi que de routes et rues pavées et de nécropoles. La population, qui vivait de la chasse, la pêche et l’agriculture, était organisée en groupes sociaux régis par un chef politique et militaire faisant aussi office de chaman.

Canaux et bassin de rétention des eaux - © ArchéOdyssée
Ouvrage hydraulique, petit bassin de rétention - © ArchéOdyssée

Les pétroglyphes de Guayabo sont disséminés dans la ville, gravés sur des rochers volcaniques arrondis, parmi tous ceux qui affleurent sur le site. Ce sont des formes abstraites, évoquant des animaux ou des éléments du paysage : plans de villages aux bâtiments arrondis, réseaux de routes ou de canaux d’irrigations, parcelles, peut-être même le volcan Turrialba, qui domine la région. Quatre sont bien visibles, pour les visiteurs du parc archéologique. D'autres sont plus discrets, hors de la zone accessible au public.

Cercles concentriques et réseau en étoile (à gauche) ; lignes sinueuses (à droite) - © ArchéOdyssée. Retrouvez leurs propositions d'interprétation dans G. Herrera Amighetti, A. C. Arias Quirós, "Los petrograbados de Guayabo de Turrialba, Costa Rica : un acercamiento a su significado", Herencia, 29-2, 2016
Une figure animale plus reconnaissable sur le Monolithe du Lézard (Monolito del Lagarto) - © Axxis 10 /CC BY-SA
Une représentation du volcan Turrialba vu du ciel ? Un réseau parcellaire ? - © Ana Cecilia Arias Quirós

Le site de Guayabo n’est pas une exception au Costa Rica : pas moins de 582 sites de pétroglyphes ont été répertoriés. Guayabo de Turrialba est cependant celui qui reste le plus amplement fouillé et le mieux compris.

4. Usgalimal (Inde)

Parcourons encore quelques milliers de kilomètres pour rejoindre l’un des sites préhistoriques majeurs de l’ouest de l’Inde (province de Goa) : Usgalimal.

Cette magnifique série de plus de 100 gravures, qui s’étale au sol sur quelques 500 mètres le long de la berge de la rivière Kushavati, forme un ensemble de représentations abstraites et figuratives.

On ne sait pas exactement quand les pétroglyphes ont été faits. Les propositions de datation vont d’environ 25 000 ans à quelques 6 000 ans avant le présent.

Un cerf et un buffle - © Nijgoykar / CC BY-SA
Figure humaine - © A Time Pass
Le grand labyrinthe - © A Time Pass

La roche est parsemée de figures d’animaux et d’humains, mais aussi de formes géométriques, parmi lesquelles un spectaculaire labyrinthe.

Le rocher où les gravures ont été faites est la rive même de la rivière. On dirait ainsi que les motifs ornent le sol d’une sorte d’embarcadère naturel !

La situation était sans doute différente il y a des milliers d’années, car on ne sait pas où passait le chenal à cette époque.

Cliquez sur l'image pour voir la vidéo de présentation du site !

5. Les pétroglyphes des îles de Hong Kong

Bien sûr, Hong Kong n’est pas qu’une ville géante perchée sur une île au bout de la Chine ! La mégalopole s’étend sur un site géographique exceptionnel, sur le bord est du delta de Rivière des Perles. Si Hong Kong, s'est développée initialement sur une île, son territoire s’étend sur une vaste péninsule montagneuse aux contours déchiquetés, entourées d’un archipel très dense d’îles de tailles variées.

Les pétroglyphes du site de Po Toi : figures géométriques et animaux stylisés - © Antiquities and Monuments Office
Le site de Po Toi, sur une corniche en bord de mer - © Antiquities and Monuments Office

C’est de ce paysage contrasté et magnifique qu’ont profité les plus anciennes cultures connues à ce jour dans la région, installées il y a quelques 7 000 ans. Les splendides pétroglyphes que l’on retrouve sur plusieurs sites disséminés dans les îles entourant la ville de Hong Kong sont-ils l’œuvre de ces premières populations ? On ne peut l’assurer, de même qu’on ne connaît pas exactement le sens de ces représentations, gravées sur des parois rocheuses dominant la mer, comme sur l'île de Po Toi, ou dans la forêt, un peu plus en arrière dans les terres, comme à Shek Pik (île de Lantau).

Les pétroglyphes du site de Shek Pic (île de Lantau) : figures géométriques en quadrilatères concentriques, datées d'il y a environ 3 000 ans - © Antiquities and Monuments Office
Le groupe visible des 2 ensembles de gravures de l'île de Cheung Chau, au pied d'un hôtel dominant la mer - © Antiquities and Monuments Office

Conclusion

Vous l’avez constaté : il y a des pétroglyphes partout autour sur la planète… et nous n’avons pu vous montrer qu’un faible échantillon de ce qui existe ! Toutefois, pas besoin d’aller au bout du monde pour rêver devant des mystérieux signes gravés dans la roche. En Europe, il y en a dans la péninsule ibérique, comme vous l’avez vu, mais aussi en Irlande et en Grande-Bretagne, ou encore en Suède.

Les glyphes de l'art mégalithique : décoration ou symboles encore incompris ? Ici ronds concentriques, spirales, cupules et losanges sur l'un des blocs ceinturant le grand tumulus de Newgrange (Irlande) - © Johnbod / CC BY-SA
Les pétroglyphes de Gärstad (Suède). Les gravures, peu profondes, sont repassées à l'ocre - © LA2 / CC BY-SA

Plus près encore de la métropole, vous en admirerez de magnifiques dans les Alpes françaises, suisses et italiennes. Rappelez-vous: nous vous avons déjà parlé, entre autres sites, de la Vallée des Merveilles et de Crap Carschenna !

et relisez notre Route du Tour de France

Nous retrouverons encore de très spectaculaires pétroglyphes dans nos explorations des prochains articles, consacrés à l’archéologie des départements et territoires française d’Outre-Mer.

Parmi les merveilles à découvrir de ces régions dont nous avons trop longtemps délaissé la présentation chez ArchéOdyssée, l’art de la gravure rupestre sera en effet à l’honneur !

Et vous n'avez pas tout lu !

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