Raconté pour vous par Cécile, le 24 juillet 2022 - temps de lecture : 15 mn
Quand ? Moyen Âge
Où ? France
Les mosaïque ne sont pas l’apanage de l’Antiquité romaine, même si c’est à cette époque que cet artisanat s’est le plus développé ! Datées du début du Moyen Âge, on connaît les magnifiques mosaïques byzantines et arabo-musulmanes. Mais on sait moins que cet art décoratif a aussi subsisté en Europe occidentale, en France notamment. De l’époque carolingienne jusqu’au XIIe s., de très belles réalisations ont été créées du nord au sud du pays.
Techniques et sujets nouveaux, ou pâles copies des chefs-d’œuvre antiques ? Des siècles après la mort des maîtres mosaïstes de l'époque romaine, qui possédait encore ce savoir-faire ? Et quels modèles représenter ? Quel style adopter ?
Entre les artistes sensibles aux charmes de l'Antiquité et ceux bien ancrés dans leur époque, il y en a pour tous les goûts !
Sorde l'Abbaye, qui est l'objet de 2 de nos "coups de cœur de l'été", permet de bien observer l'évolution des sujets depuis l'Antiquité. Le site accueille en effet des mosaïques romaines du IVe s., de rarissimes mosaïques des VIe-VIIe s., faites à l'époque où les Wisigoths occupaient l'Aquitaine, et enfin une remarquable mosaïque du XIIe s., dans l'église.
Que penser de ces trois exemples ? D'abord qu'au VIe s., il n'y avait plus de mosaïstes depuis longtemps en Aquitaine. Les commanditaires de la mosaïque n'ont pas eu d'autre choix que de s'en remettre aux dons d'imitation des artisans locaux, probablement des sculpteurs, peut-être des menuisiers... Des gens qui n'avaient jamais coupé des tesselles et n'avaient pas la technique pour reproduire les entrelacs et autres motifs géométriques. A vrai dire, ils n'ont même pas pris la peine de faire des lignes droites, ce qui dénote peut-être d'un certain désintérêt pour ce travail... Quoiqu'il en soit, on notera que la villa était encore occupée et les mosaïques originales étaient encore entretenues à l'époque de l'installation de ce nouveau décor de sol.
Quant à la mosaïque de l'église, elle n'a plus rien à voir avec l'Antiquité ! Ses motifs sont ceux que l'on retrouve sur les enluminures médiévales. Des animaux aux entrelacs végétaux, en passant par la composition géométrique, tout est propre au Moyen Âge roman. Mais alors qui a formé les mosaïstes à cette époque ? Qui connaissait encore les techniques ? Cela n'a pas été réinventé sur place : le savoir-faire est revenu en France depuis Byzance à l'époque des Carolingiens, comme on le voit avec le cas de Germigny-des-Prés.
La mosaïque de Germigny-des-Prés est encore très différente des exemplaires de Sorde l'Abbaye. Chronologiquement, elle se situe entre la mosaïque des VIe-VIIe s., et celle du XIIe s. Elle date en effet de l'époque carolingienne. Elle a été commandée et réalisée en 806 de notre ère, pour orner la chapelle du palais rural d'un proche de l'empereur Charlemagne.
Le dessin des anges, les décors géométriques et l'omniprésence des tesselles d'or ne laissent pas de doute sur l'origine géographique du savoir-faire des maîtres mosaïstes, ni sur leur source d'inspiration. Ce sont des mosaïques byzantines ! Charlemagne admirait énormément les arts et la culture de Byzance, héritière des connaissances de l'Antiquité.
Cliquez sur l'image pour en voir davantage !
Mais toutes les mosaïques de l'époque carolingienne ne sont pas aussi riches ! Celle de Germigny est exceptionnelle, parce que son commanditaire était un haut dignitaire de la cour impériale.
Ainsi, la grande mosaïque en galets des IXe-Xe s., qui orne encore le sol du chœur de la basilique Saint-Julien de Brioude, est beaucoup plus modeste. Elle n'est est pas moins jolie, dans un autre style, bicolore et géométrique, qui semble à mi-chemin entre les inspirations antiques et romanes.
Cliquez sur l'image pour en savoir plus !
L'extraordinaire mosaïque dite "du chasseur unijambiste" de la cathédrale de Lescar (XIIe s.) concentre, quant à elle, toutes les plus belles qualités de l'art pictural roman, notamment la grande expressivité des sujets, que l'on retrouve dans les enluminures.
La partie la plus célèbre de la mosaïque est composée de 2 bandes représentant 2 scènes de chasse. Pour en savoir plus sur Lescar, c'est ici !
En bas, une chasse au sanglier, un lion dévorant un bouc et une lionne. Plusieurs oiseaux picorent ou volètent autour des protagonistes.
En haut la scène la plus fameuse : un véloce chasseur à l'arc, peu gêné par sa prothèse de jambe, court devant son âne et son chien, qui le suivent en haletant et en traînant la patte. L'air harassé des deux animaux, qui contraste avec la détermination et l'entrain du chasseur, sont si bien rendus qu'on dirait l'illustration d'une fable ! D'ailleurs, le mot AVFIO, au-dessus de la tête du chien (ou du loup), est une déformation de "Aveto", qui veut dire "Adieu", en latin médiéval. Cet animal est décidément crevé !
L’originalité de la mosaïque tient aussi à l’inscription qui la borde, car il est rare que le commanditaire soit mentionné. On lit : DOMINUS GUIDO EPISCOPUS LASCURRENSIS HOC FIERI FECIT PAVIMENTUM, ce qui signifie « Monseigneur Guido, évêque de Lescar a fait ce pavement ». Guy ayant été évêque entre 1115 et 1141, la mosaïque date donc de cette époque.
Cette initiation à la mosaïque médiévale vous a plu ? Retrouvez ci-dessous encore deux autres magnifiques compositions : les mosaïques du prieuré de Rosans (Hautes-Alpes) et celle du monastère de Ganagobie (Alpes-de-Haute-Provence).
Cet art tomba en désuétude à partir du XIIIe s., victime du succès du style gothique, qui amena de nombreuses transformations dans les églises romanes et la mise au goût du jour de leurs décors. A cette occasion, beaucoup de pavements ont été détruits, ou masqués par de nouveaux sols, comme à Sorde l’Abbaye et Lescar. C’est grâce à cela qu’ils ont été conservés et redécouverts à l’occasion de travaux de restauration, aux XIXe et XXe s. le plus souvent.