On vous mène en bateau !
Trois découvertes d'octobre 2021
Raconté pour vous par Cécile, le 18 novembre 2021 - temps de lecture : 4 mn
Quand ? du Néolithique à l'Amérique précolombienne, et du XVIIe au XXe siècle -
Où ? Mexique, France, Turquie, États-Unis, Lettonie, Grande-Bretagne
L’actualité internationale d’octobre 2021, en archéologie, a été pas mal occupée par plusieurs annonces concernant des épaves.
D’abord, celle de la découverte d’une pirogue maya intacte au fond d’un lac, près de la célèbre ville préhispanique de Chichén Itzá, au Mexique. L’objet est exceptionnellement conservé, ce qui est très rare pour la période et la société concernée.
Ensuite, l’annonce de la découverte de l’Arche de Noé, pas moins !
Enfin, l’apparition d’une grande coque de bateau sur une plage proche de Riga, en Lettonie.
Voyons un peu ce qu’il en est, et profitons de l’occasion pour faire un tour d’horizon de quelques autres épaves archéologiques spectaculaires !
1. A la surface de l'inframonde : la pirogue maya de San Andrés
A la toute fin du mois d’octobre, sur le site naturel et archéologique de San Andrés, l’exploration d’un cenote, un gouffre rond naturel rempli d’eau, aux parois verticales, comme il y en a de nombreux dans toute la péninsule du Yucatán, a révélé la présence d’une étonnante embarcation, âgée de plus de 1 000 ans.
Il s’agit d’une pirogue monoxyle, c'est-à-dire taillée dans un seul tronc d’arbre.
C’est une embarcation courte : 1,6 m de long, 80 cm de large et 40 cm de haut. L’avant et l’arrière sont très massifs, l’arrondi naturel du tronc n’a pas été effacé et le fond semble presque plat.
Avec une telle architecture et de telles dimensions, ce n’était pas un bateau très bien équilibré conçu pour la course ni le transport de marchandises, comme on en connaît par ailleurs. Ce n’était pas non plus une barque d’apparat.
Deux hypothèses ont été émises : soit le bateau servait à puiser de l’eau dans le lac situé au fond du gouffre, pour que cette dernière soit remontée dans des seaux, soit il s’agissait d’une embarcation destinée à des rituels religieux.
Considérés comme des entrées vers l’inframonde, le monde des morts et de la fertilité, les cenotes étaient des lieux magiques pour les Mayas.
Il s’y déroulait des cérémonies importantes, au cours desquels les prêtres et dévots descendaient à la surface de l’eau pour y faire des offrandes.
Des fragments de poteries ont d’ailleurs été retrouvés dans une grotte à proximité de la pirogue.
Pour le moment, l’épave repose encore au fond du lac sacré.
Pour en savoir plus sur l'utilisation des cenotes par les Mayas, voir notre article "top 10 des sites réutilisés".
2. Le temps des pirogues monoxyles
La technique de la pirogue monoxyle, mise en œuvre chez les Mayas, à San Andrés, est très commune à l’échelle de la planète. Le fait d’évider l’intérieur d’un tronc et de retoucher son profil pour améliorer son fuselage est la première forme de charpenterie navale connue.
En France, les découvertes de bateaux de ce type sont assez courantes en archéologie. Comme ailleurs en Europe, les barques les plus anciennes datent du Néolithique, mais on en trouve de toutes les époques, jusqu’au XIXe s. C’était un mode de construction traditionnel, adapté à des activités de pêche ou le transport de marchandises en eaux calmes.
En Asie du sud-est, en Afrique centrale et en Amérique du Sud, la construction de pirogues monoxyles existe toujours. Cependant la technique se raréfie, du fait de la disparition des arbres assez longs et larges pour fournir la matière à de telles embarcations, qui pouvaient encore dépasser facilement 20 m de long et 1,20 m de large au début du XXe s.
3. La découverte de l'Arche de Noé : la fake news du siècle ?
Rebondissement dans l’histoire sans fin de la recherche de l’Arche de Noé sur le mont Ararat, en Turquie, mi-octobre : cette fois armée d’un géoradar, technique d’exploration des sous-sols ne nécessitant aucun creusement, une équipe turco-américaine prétend avoir définitivement reconnu l’épave de la fameuse arche biblique.
Les recherches et l'identification du lieu de l’échouage remontent en fait à 1960, sur le site nommé Durupınar. Là, une impressionnante formation rocheuse en forme d’amande (ou de coque de bateau, selon les sensibilités), bien connues des géologues, a été associée à l’Arche de Noé, parce que ses dimensions correspondraient à la très précise description qui en est faite dans la Bible (144,5 m de long, 24 m de large et 14,5 m de haut).
Notez que tout le monde est d’accord pour admettre que le site est bien une formation géologique. Les tenants de la thèse de l’Arche pensent-ils que les sédiments se sont fossilisés autour de la coque ? Pour rappel, il faut des millions d’années pour que des sédiments marins se changent en banc de roche.
A quand la découverte de la barque de Charon à l’entrée des Enfers grecs ?
Cette sombre divinité avait pour fonction de faire passer le fleuve sacré Styx aux défunts, afin d’atteindre sur l’autre rive le royaume d’Hadès, dieu des morts.
Et après tout, le Styx est un cours d’eau dont la source est située par l’auteur grec Pausanias : il s’agit d’un torrent montagneux d’Arcadie, au centre de la Grèce, près de la ville de Nonakris…
Il n’y aurait donc plus qu’à explorer méthodiquement le cours souterrain de la rivière pour trouver la barque abandonnée… non ?
4. Une épave se découvre toute seule, près de Riga
Eh oui, il n’y a parfois même pas à chercher pour trouver de belles épaves !
C’est ce qui s’est passé fin septembre sur la plage de Daugavgrīva, près de Riga, en Lettonie. Les mouvements de marée ont progressivement mis au jour les vestiges de la coque retournée d’un navire. Après un dégagement sommaire, l’épave est apparue conservée sur plus de 12 m de long et 3,5 m de large.
Il s’agit d’un bateau récent : les rivets de cuivre d’un type particulier qui maintiennent le bordage (la partie externe de la coque) permettent d’affirmer qu’il s’agit d’un navire britannique construit après 1750.
C’est fou ce que peuvent raconter les petits détails, dans une enquête historique/archéologique, n’est-ce pas ?
Pour le moment, les restes du bateau ont été laissés sur place et ré-enfouis sous le sable.
Comme dans le cas de l’épave maya du cenote San Andrés, c’est la meilleure solution en attendant de trouver les moyens techniques et financiers nécessaires à la fouille et au transport de l’épave, puis d'aménager un local susceptible de l’accueillir dans de bonnes conditions de conservation.
Cette belle découverte montre aussi que les épaves ne se retrouvent pas qu’au fond de la mer, de lacs ou de cours d’eau.
En archéologie, un grand nombre de navires sont en fait mis au jour lors de fouilles terrestres, parfois à des kilomètres de tout point d’eau navigable.
Vous devinez déjà pourquoi ?
Nous ferons la lumière là-dessus la semaine prochaine !
5. Un trésor digne de Pirates des Caraïbes : Nuestra Señora de Atocha
Pour finir, peut-on vraiment parler d’épaves sans parler de trésor ? Et parler de trésor sans évoquer les îles des Caraïbes et les galions espagnols chargés de l’or des Amériques ?
Voici l’histoire d’une épave mythique, réunissant tous les ingrédients d’un film d’aventures… mais bien réelle : celle du galion espagnol Nuestra Señora de Atocha !
En 1622, le navire était parti de Cuba pour rejoindre l’Espagne, chargé des richesses des possessions espagnoles aux Amériques, extraites dans les épouvantables conditions que l’on sait.
Alourdi par son énorme chargement, il s’est déchiqueté sur un récif de corail peu après son départ, lors d’un ouragan au large de la Floride.
Outre des marchandises précieuses (indigo, tabac) il transportait un trésor exceptionnel : 24 tonnes d’argent en lingots, 18 000 pesos en pièces d’argent, 582 lingots de cuivre, 125 lingots d’or, 544 kg de bijoux et d’œuvres d’orfèvrerie finement ouvragés en or et en argent, et 32 kg d’émeraudes de Colombie.
En 1985, après 25 ans de recherches sous-marines intensives, les restes du Nuestra Señora de Atocha et son inestimable cargaison ont été retrouvés et récupérés par le chercheur de trésors américain Mel Fisher.
Ce dernier en est devenu officiellement propriétaire, après plusieurs années de litiges avec l’État américain.
Une grande partie des objets précieux a été vendue, une autre est exposée au Mel Fisher Maritime Museum, en Floride.
6. Tour virtuel des épaves militaires de la côte sud de l'Angleterre
Enfin, pour les amoureux des épaves modernes et contemporaines, je vous suggère d’aller faire un tour sur notre page Visites virtuelles > Europe > Grande-Bretagne.
Vous découvrirez les superbes restitutions 3D de 7 épaves de navires qui ont sombré au large des côtes de la perfide Albion entre 1665 et la 2e Guerre Mondiale.
Ça commence ICI !
A la semaine prochaine pour une petite synthèse sur l'étude des épaves et l'archéologie subaquatique et sous-marine.