Villes nouvelles et ratages urbains -2
Les problèmes d'urbanisme ne datent pas d'aujourd'hui !
Les problèmes d'urbanisme ne datent pas d'aujourd'hui !
Raconté pour vous par Cécile, le 02 juin 2022 - temps de lecture : 3 mn
Quand ? Néolithique, Antiquité, Moyen Âge, époques moderne et contemporaine
Où ? Malaisie, France, Allemagne, Mongolie, Turquie, Grande-Bretagne
Suite de notre article consacré aux créations urbaines dans l'Histoire. Si de grandes villes actuelles sont célèbres pour leur ancienneté, comme Mexico, Tombouctou, Athènes ou Osaka, toutes les villes du passé n'ont pas connu une telle prospérité. Certaines ont survécu, mais n'ont pas prospéré. D'autres ont périclité en moins de 100 ans. Quelques unes ont été des réussites inattendues, d'autres ont fait l'objet de lourds investissements financiers et politiques, mais la mayonnaise n'a jamais pris... Pas facile de savoir ce qui va tenir ou non !
Au milieu des marais charentais, Jacopolis (maintenant Hiers-Brouage, en Charente-Maritime) est une ville née de l’exploitation d’une ressource locale chère et très convoitée : le sel. Sur un petit village médiéval, une ville neuve a été fondée en 1555, à la limite entre la zone des marais salants et les canaux navigables menant à la mer.
La ville a été très rapidement fortifiée pour protéger le havre de Brouage, où relâchaient les grands navires de commerce. Elle abritait ainsi deux grandes poudrières, un arsenal et un entrepôt à sel. Ses fortifications ont été refaites par le marquis de Vauban, ingénieur militaire et architecte de Louis XIV, qui a doté la ville de ses célèbres fortifications en étoile.
Détail insolite : le site a été choisi parce qu'à cet endroit-là, les navires de haute-mer jetaient par dessus bord les tonnes de pierres qu'ils devaient embarquer lorsqu'ils étaient à vide, pour faire office de lest et ne pas chavirer. Le tout formait un énorme tas de cailloux qui plaçait les constructions hors d'eau.
Extrêmement bien conservée et encore habitée, cette petite ville étonnante ressemble en fait beaucoup, dans ses dimensions et son plan quadrillé, à ce que devait être une ville nouvelle romaine. Elle accueillait d'ailleurs à peu près le même nombre d'habitants : autour de 4 000. Ne manquez pas sa visite la prochaine fois que vous passez en Charente, ça vaut vraiment le détour !
Il arrive parfois que les projets de villes nouvelles avortent : l’ambition de départ était trop haute, la fonction de la ville mal pensée, le projet trop coûteux… les raisons ne manquent pas !
Il y a 2000 ans, la ville romaine de Waldgirmes (son nom latin est inconnu), en Allemagne, a été un échec flagrant. Fondée sur la rive droite du Rhin, pendant la conquête de la Germanie, elle n’a existé qu’une vingtaine d’années et n’a jamais été finie, car les projets de conquête des territoires à l’est du fleuve ont très vite avorté. C’est pourquoi l’espace compris à l’intérieur du rempart n’a même pas été rempli !
C’est aussi ce qui s’est passé pour un certain nombre de capitales romaines implantées en Gaule après la conquête de la Gaule indépendante par Jules César, comme nous l'avons vu dans l'article précédent.
Surdimensionnées, mal adaptées aux besoins des populations locales, beaucoup n’ont été occupées qu’à moitié, et ont été abandonnées au bout de 150 à 200 ans… ce qui est très peu par rapport à la prospérité de celles qui ont réussi !
On fonde encore beaucoup de villes nouvelles, au XXIe s., pour accompagner les développements démographiques et économiques. Il y en a un grand nombre en Asie, où fleurissent les projets pharaoniques, telle Maidar, la nouvelle capitale de la Mongolie, qui remplacera Oulan Bator, saturée, vers 2030.
Certains projets périclitent toutefois, comme on l’a vu pour l’époque romaine. C’est le cas récent de l’étrange ville de Burj al Babas, au nord-est de la Turquie. Ses promoteurs pensaient créer une ville d’agrément très luxueuse, destinée à de riches familles du Golfe Persique.
La construction a débuté en 2014 et a été abandonnée en 2018, faute d’investisseurs pour la construction des infrastructures (le centre de la ville devait être un énorme centre commercial à l’américaine) et de clients pour les villas. Il en reste un paysage étonnant de centaines de mini châteaux, tous identiques et serrés les uns contre les autres, au milieu d’un terrain en friche.
On aimerait bien voir ce qu’il reste de cette ville fantôme dans 1 000 ans ! En attendant, je vous conseille de découvrir Burj Al Babas en vidéo avec Gabriel et Corentin, des fans d'urbex qui ont exploré la ville (en toute illégalité).
En France, l’expérience des « villes nouvelles » n’évoque pas l’Éden urbain, tant elle est associée aux tristes cités dortoirs qui entourent les grandes villes du pays. Ces banlieues sont en fait des projets d’urbanisme des années 1965-80. Planifiées pour désengorger Paris et les alentours des grandes métropoles, ces villes uniformes et tout en béton étaient présentées comme le summum du progrès et de la modernité. Très peu ont bien vieilli, et leur traversée laisse souvent au visiteur un sentiment de désolation…
Pourtant, leur construction partait d’un réel besoin : loger les nouveaux habitants issus de l’exode rural et de l’essor industriel de manière moderne… du moins telle qu’on concevait la modernité dans les années 1960.
Des villes neuves, sorties de terre en quelques années, continuent de pousser partout sur la planète, même en Europe, comme Wixams, en Grande-Bretagne (inaugurée en 2009). On leur souhaite une belle prospérité… et surtout que les habitants y vivent bien et y soient heureux !