Archéologie à vol d'oiseau : 10 sites remarquables vus du ciel -1

5 sites du Néolithique et de l'âge du Bronze

Raconté pour vous par Cécile, le 12 mai 2023 - temps de lecture : 5 mn

Quand ? Il y a entre 5 000 et 3 000 ans environ.

Où ? Turquie, Pérou, Grèce, Malte, Irak

Comme des oiseaux migrateurs, nous voyageons cette semaine par les airs à travers les continents, pour survoler et admirer quelques réalisations humaines extraordinaires qui ont traversé les siècles et les millénaires jusqu’à nous. Le plus de la vue aérienne ? Tout d’abord, on comprend mieux le plan des vestiges et on mesure plus facilement leur étendue. Mais cela permet surtout de visualiser le paysage autour du site, et de mieux percevoir l’environnement dans lequel les sociétés vivaient et qu’elles exploitaient… notion indispensable pour mieux les comprendre !

Un classement en valant bien un autre, nous vous présentons cette sélection par ordre d’ancienneté. Cette semaine : 5 impressionnants témoins du Néolithique et de l’âge du Bronze.

1. Göbekli Tepe, naissance de l'architecture monumentale (Turquie)

Vue aérienne du chantier de fouille en 2019. Le site est maintenant couvert d'une vaste structure de protection et ne se voit plus depuis le ciel. On distingue bien les 4 structures principales : au centre l'enclos C et, autour de lui, de gauche à droite, les enclos D, B et A - © DAI / CC BY, cliché E. Kücük 

On ne présente plus ce site prodigieux, le plus ancien sanctuaire construit de main d’homme, le tout premier témoignage d’architecture monumentale au monde, fondé vers 9 600 avant notre ère. Sa découverte a été déterminante pour mieux comprendre les cultes et le monde symbolique des peuples du début du Néolithique, dans le processus de mutation des modes de vie et des modes de pensée des populations de cette époque de grandes révolutions.

État de la fouille en 2010 - © Unescso / CC0 - DAI, cliché N. Recke
Vue rapprochée du temple le plus élaboré (enclos C) - © DAI, Göbekli Tepe Project

Qu’y voit-on ? Göbekli Tepe est compris comme un ensemble d'espaces sacrés et communautaires, souvent appelés "temples" par simplification, enserrés dans des enclos (7 dont été fouillés). Toutes ces constructions s’étalent sur plusieurs siècles. 

Les bâtiments sont circulaires ou ovales, aux murs contrefortés par des séries de piliers en forme de T et sculptés de merveilleuses scènes associant des figures géométriques, des animaux et des silhouettes humaines. L’exceptionnel état de conservation des élévations des murs et de la statuaire, très abondante et diversifiée, marque vraiment les esprits. 

C’est incroyable de penser que ces maçonneries et ces objets vieux de 12 000 ans sont mieux conservés que certains vestiges du Moyen Âge ! 

2. Le sanctuaire de Mnajdra (Malte)

Le sanctuaire de Mnajdra au début des années 2000. Comme à Göbekli Tepe, le site est maintenant couvert - © Henri Stierlin, Genève, dans Notre histoire lue du ciel. Monuments de l'Antiquité, Gallimard, 2005.

Il y a 5 200 ans, en Europe et dans les îles de Méditerranée, un mode d’expression architecturale qui ne sera plus jamais reproduit prend son essor : le mégalithisme, sans doute héritier de pratiques issues de l’Est anatolien. De la Scandinavie à la Sicile, pendant le Néolithique, les populations de cultures pourtant différentes érigent des temples, des espaces sacrés et des sépultures gigantesques, aux armatures de pierre colossales. S’il n’est pas toujours facile de deviner le sens de tous ces édifices, les monuments de l’île de Malte font partie des plus spectaculaires et des mieux compris.

Plan du sanctuaire - panneau d'exposition sur le site - © Frank Vincentz / CC BY-SA

Des sept grands sites mégalithiques de Malte et Gozo, l’île voisine, le complexe des temples de Mnajdra est le plus théâtral. Construit vers 3 000 avant notre ère, il est en effet composé de trois temples disposés en feuille de trèfle autour d’une place centrale. Le splendide temple principal est précédé d’une esplanade dallée. Les monuments sont dotés de 2 à 3 salles ovales en enfilade, de plusieurs portes, de chapelles, de niches et d’autels dénotant le caractère complexe des rites religieux qui y étaient rendus. 

Le décor piqueté des piédroits et linteaux des portes monumentales du temple sud - © Nitramserolf / CC BY-SA

Les nombreuses statues de femmes aux formes très opulentes découverts sur différents sites du même type laissent entendre que la religion était dominée par le culte d’une grande déesse, ou plus largement de la fécondité

Les bâtiments de Mnajdra n’étaient pas aussi savamment décorés que ceux de Tarxien (également à Malte), mais les énormes blocs des encadrements de porte sont ornés de milliers de petits trous donnant l’impression de pointillés.

3. Caral-Supe, la ville sacrée (Pérou)

Centre monumental de Caral-Supe. Vue rapprochée de la grande pyramide et la cour circulaire qui s'étend en contrebas  - © Unesco / CC0, cliché Christopher Kleihege

Qui a dit que les premières villes monumentales étaient le propre de Eurasie ? Contemporaine des temples mégalithiques de Malte et des cités-États de Mésopotamie, voici Caral, la plus ancienne ville des Andes, fondée vers 3 000 avant notre ère, et délaissée 1 200 ans plus tard, vers 1 800 avant notre ère. 

Trois des pyramides du centre de Caral-Supe - © Unesco / CC0, Sacred City of Caral Supe

Tel qu’on le voit, émergeant du désert, le site est la succession de 8 agglomérations. Construite selon un plan d’urbanisme rigoureux, la cité est dominée par un grand édifice pyramidal, composé de plateformes superposées jusqu’à 29 m de haut, et les vestiges en contrebas d’une place circulaire. 

D’autres édifices monumentaux composent dans le centre sacré de la ville, des pyramides, mais aussi des places encloses rondes et des esplanades rectangulaires, temples et espaces publics pour des assemblées politiques ou religieuses.

Plan simplifié de Caral-Supe - © Science & Avenir et AFP,  article en ligne du 19/01/2021 Pérou : Caral, cité archéologique vieille de 5.000 ans, menacée par des constructions illégales 

Plusieurs blocs résidentiels occupent aussi le centre-ville, identifiés comme des centres administratifs et les palais des hauts fonctionnaires, prêtres et princes. 

Les quartiers d’habitation modestes se répartissaient en périphérie de la ville.

Le centre monumental de Caral-Supe et ses pyramides. La vallée de la Supe, en arrière plan - © Unesco / CC0, Sacred City of Caral-Supe

Un site exceptionnel pour l’époque et la région ? Même pas : ce n’est que l’un des 18 centres urbains connus de la même époque dans la riche vallée de la Supe, dont dépendait les habitants de Caral. C’était une société d’agriculteurs et de pêcheurs, qui commerçait activement avec les populations de la côte pacifique (23 km à l’ouest) et des plateaux andins, à l’est.

Quelques 4 400 ans avant les Incas, les peuples de la Supe avaient posés les fondements culturels et urbanistiques des grandes civilisations précolombiennes des Andes.

4. Ur, la légendaire (Irak)

Les vestiges dégagés de la capitale de Sumer - © Georg Gerster Rapho, Paris, dans Notre histoire lue du ciel. Monuments de l'Antiquité, Gallimard, 2005.

En expansion à partir de 2 700 av. n. è., Ur était une cité importante de la région de Sumer, en Mésopotamie, et en a même été un temps la capitale. Son plan d’urbanisme très codifié était dominé par l’immense ziggourat, temple à degré probablement dédié au dieu Lune, la divinité principale des Sumériens. Toute la ville est édifiée en brique de terre crue, ce qui explique pourquoi on ne voit pas très bien les vestiges, même vu de haut. 

Les fouilles réalisées au XXe s. ont montré que c’était une ville extrêmement riche, et l’un des premiers foyers de l’écriture au monde. Elle perdit son rôle politique régional prépondérant vers 1 500 avant notre ère, au profit d'une cité voisine.

Les vestiges de la grande ziggourat, encre conservée sur 30 m  de haut - © Tla 2006 / Public domain 
Les vestiges stabilisés du quartier sud et, en arrière plan, la grande ziggourat - © M. Lubinski / CC BY-SA 

La vue aérienne du centre d’Ur donne l’impression que la ville était construite en plein désert, mais le paysage a bien changé depuis l’époque de la grande ziggourat ! Un bras de l’Euphrate passait alors sur le côté ouest de la ville, et desservait 2 quartiers portuaires. C’est au négoce fluvial que la ville a dû son essor et son importance économique.

5. Mycènes, la citadelle mythologique (Grèce)

Perché au sommet de la crête rocheuse, ce site n'est pas Machu Picchu, mais la citadelle de Mycènes - © Georg Gerster Rapho, Paris, dans Notre histoire lue du ciel. Monuments de l'Antiquité, Gallimard, 2005.

Nous terminons le tour d’horizon de cette semaine avec les murs cyclopéens de la forteresse de Mycènes. Cette ville légendaire est déjà mentionnée déjà dans des récits mythologiques, mais elle est surtout connue parce que son roi durant la guerre de Troie, Ménélas, était le mari de la belle Hélène et le chef de l’armée grecque. L’archéologie confirme que le site est très ancien. Il a été occupé à l’âge du Bronze, dès les environs de 1 600 avant notre ère.

La cité est restée florissante jusque vers 1 050 av. n. è., avant de perdre en importance. Comme Troie, c’était un lieu touristique dès l’époque romaine. L’auteur grec Pausanias, qui vécut au IIe siècle, décrit ses ruines, ses tombeaux ronds et sa fameuse Porte des Lions.

La célèbre Porte des Lions, l'une des entrées dans la ville fortifiée, entourée de ses remparts aux blocs si imposants qu'ils ont été appelés "cyclopéens", comme si seuls les Cyclopes de la mythologie avaient pu les ajuster - © George E. Koronaios / CC0
Le "Cercle A", grand tumulus contenant plusieurs tombes princières, dont les sépultures ornées de masques funéraires en or - © Guido Alberto Rossi, Altitude, Paris, dans Notre histoire lue du ciel. Monuments de l'Antiquité, Gallimard, 2005.

Vu du ciel, on voit très bien la grande densité d’occupation dans l’espace enclos entre les épais murs de la citadelle, et la place qu’y prennent le grand tombeau princier nommé "cercle A" et, au sommet du rocher, le palais royal. Les bâtiments semblent enchevêtrés, mais nous voyons en fait les ruines superposées de murs de plusieurs époques différentes.

Parvenez-vous à imaginer ? A un moment donné, des civilisations ont vécu en même temps mais sans se connaître, à Malte et Caral, ainsi qu’à Ur et Mycènes. 

Au Néolithique et à l’âge du Bronze, sur la planète, les continents fourmillaient de peuples aussi inventifs qu’organisés. Amusant, non ? ... Et vous, où auriez-vous préféré habiter ?

Et vous n'avez pas tout lu ! 

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