Raconté pour vous par Cécile, le 28 juillet 2021 - temps de lecture : 3 mn
Quand ? d'environ 5 000 ans avant le présent à 1600 de notre ère - Où ? Tout autour de la Suisse
Les Français savent peu de choses de l’histoire de la Suisse, alors que c’est un pays mitoyen, comme c’est dommage !
A travers notre sélection de sites archéologiques à visiter, voilà de quoi vous familiariser avec le passé très diversifié de notre opulent voisin alpin.
La Suisse et ses nombreux lacs constituent le cœur des cultures appelées "palafittes", qui se sont épanouies dans les Alpes et le Jura au Néolithique et l’Âge du Bronze, c'est-à-dire entre 5 000 et 800 av. notre ère environ. Ces sociétés se caractérisent par le fait qu’elles vivaient sur les rives humides des lacs, dans des villages entièrement construits sur pilotis, qui préservaient les habitants des inondations liées aux fluctuations saisonnières du niveau de l’eau.
Il en reste les incroyables semis de pieux de fondations qui permettent de restituer le plan des maisons, et tous les déchets et objets perdus qui sont passés par-dessus bord et ont été fossilisés dans la boue du fond des lacs.
Il y a des milliers d’objets de toute sorte, du bijou perdu au vaisselier cassé !
Tout ce qu’il faut pour comprendre les modes de vie de ces populations, les premiers sédentaires (ou plutôt semi-sédentaires) des Alpes.
Vous saurez tout sur la question et pourrez admirer les trésors des lacs au musée archéologique de Frauenfeld, ainsi qu’au Laténium de Hauterive !
Quoi de plus parlant pour évoquer le mégalithisme alpin que de présenter les portraits des commanditaires de ces tombeaux fabuleux ? C’est ce que permettent les 36 stèles sculptées retrouvées dans la nécropole mégalithique dite du « Petit Chasseur », à Sion.
Datée du Néolithique, il y a environ 4 500 ans, la nécropole comprenait treize tombeaux monumentaux et des alignements de menhirs, déplacés, partiellement démontés et ré-agencés au fil des millénaires (jusqu’à l’Âge du Bronze, vers 2 000 av. J.-C.) pour composer une nécropole toujours plus complexe de tumulus abritant de grandes chambres funéraires (dolmens), ou des tombes en coffres.
La plupart des stèles sculptées avaient été réemployées comme dalles pour édifier un dolmen.
Elles représentent, de manière stylisée mais très précise, des hommes et des femmes très richement parés, compris comme les portraits des élites de la communauté.
Les visages et les membres sont esquissés.
L’attention est surtout portée sur la représentation des tuniques et des pagnes, décorés de motifs géométriques complexes, celle des parures (colliers, bracelets, ceintures, bourses) et celle des armes (haches, arcs et flèches, poignards).
Elles ressemblent beaucoup aux statues-menhirs des Monts de Lacaune, dans le Tarn, et leurs voisines du Rouergue (Aveyron). Les trois groupes sont à peu près contemporains.
D’autres très beaux ensembles de menhirs et dolmens plus classiques parsèment aussi les montagnes suisses, dont le très étonnant alignement de Lutry, véritable mur de 20 menhirs plats accolés les uns aux autres.
Le sud-est de la Suisse abrite un site étonnant : sur le versant abrupt du Crap Carschenna, à Sils im Domleschg, une arête rocheuse, dix rochers sont gravés de plusieurs centaines de signes géométriques, d’animaux et de représentations humaines.
C’est un peu le pendant nord-alpin des gravures de la Vallée des Merveilles, dans les Alpes-Maritimes.
Elles se rapprochent surtout de celles du Val Camonica, en Italie, à seulement 150 km au sud, mais en moins étendu.
Les motifs les plus répandus sont des séries de très beaux ensembles de cercles concentriques, évoquant des soleils en train de rayonner, ou des ondes. Ils sont souvent associés à de très nombreuses cupules, c'est-à-dire des toutes petites cavités sculptées en forme de bols.
On ignore tout à fait le sens à donner à ces gravures, et les dater n’est pas non plus chose facile.
Par comparaison avec d’autres motifs et d’autres sites alpins, on comprend qu’elles datent de l’Âge du Bronze et de l’Âge du Fer.
D’autres sites du même type sont connus en Suisse, du Jura au Tessin.
Par défaut, ils sont tous interprétés comme des lieux de culte, mais pour être honnête, on n’en sait rien du tout …
Le Laténium, à Hauterive, est un musée consacré initialement aux spectaculaires découvertes du site protohistorique lacustre de La Tène, site archéologique emblématique qui permit de fixer, à la fin du XIXe s., la chronologie de la 2e moitié de l’Âge du Fer et lui laissa son nom : la période laténienne.
Depuis, le pas de temps et les thématiques couvertes par le musée se sont élargies, en englobant notamment la Préhistoire et les fameuses cultures des Palafittes, jusqu’au Moyen Âge.
La collection de l’Âge du Fer est toutefois fascinante, surtout celle consacrée à La Tène. Ce site très inhabituel était un pont de bois édifié au IIIe s. av. J.-C., servant de lieu de culte, orné de têtes humaines accrochées à des portiques.
Des lots d’armes sacrifiées ainsi que des objets de la vie quotidienne étaient précipités du pont dans les eaux de la Thielle, affluent du lac de Neuchâtel, pour des divinités dont on ignore tout.
On le sait peu, mais ce sont les Helvètes, les Celtes de Suisse du Ier s. av. J.-C., qui sont à l’origine du déclenchement de la Guerre des Gaules, la conquête romaine de la Gaule indépendante par Jules César… eh oui !
L’année 58 av. J.-C., menacés par une invasion de Germains, les Helvètes décidèrent de quitter la Suisse pour migrer en masse (on parle de plusieurs centaines de milliers de personnes !). Ils s’étaient mis d’accord avec les Santons (oui, ceux de la région de Saintes, en Charente) pour s’installer vers l’Atlantique. En partant plein ouest, ils allaient donc traverser (et piller) les territoires des Allobroges de la vallée du Rhône, qui n’en étaient pas ravis. Ces derniers demandèrent à leurs alliés romains d’intervenir pour les arrêter avant qu’ils finissent de traverser les Alpes. C’est ce que fît Jules César, mais comme la suite le montre, sur sa lancée, il ne s’arrêta pas là …
De fait, de nombreux oppidums de Suisse, comme ceux (visitables) du Mont-Vully et de Rheinau, ont été désertés dès la moitié du Ier s. av. J.-C., c'est-à-dire au début de la fameuse migration des Helvètes !
Les Helvètes n'étaient pas le seul peuple à occuper la Suisse actuelle ! Sous le règne d’Auguste, à la fin du Ier s. av. J.-C., ces différents territoires ont été répartis entre les provinces de Gaule Belgique, de Germanie Supérieure, de Rhétie, de Gaule Narbonnaise et d’Italie.
De grandes villes y ont été fondées, comme Aventicum (Avenches) ou Augusta Raurica (Augst), ainsi que des camps militaires surveillant le limes (la zone frontière), comme Vindonissa (Windisch). Tous ces sites sont visitables et possèdent des vestiges très bien conservés ou reconstitués !
Autour du lac Léman, trois agglomérations importantes se partageaient l’accès au lac : la Colonia Julia Equestris (Nyon), créée de toutes pièces pour les vétérans des armées de César, le port de Lousonna (Lausanne), et enfin celui de Geneva (Genève), un ancien oppidum qui a évolué en bourgade romaine. Retrouvez la présentation de ce trio très complémentaire pour bien comprendre la romanisation des Alpes dans notre article « Un tsunami sur le Léman ».
Plusieurs très belles villas, ces riches domaines ruraux, sont également visitables et complètent ce tour d'horizon de l’Antiquité romaine en Suisse.
Les vestiges de ce très insolite château rupestre, connu localement sous le nom de Grottenburg, à Eptingen, sont restés cachés pendant 800 ans ! Le fort a été construit sous une haute et étroite cavité rocheuse à flanc de falaise, dans la 2e moitié du XIe s., et a été détruit par un incendie 150 ans plus tard.
Son plan est inhabituel mais s’adapte aux contraintes du terrain. Les pièces de l’unique bâtiment s’étiraient d’abord tout en longueur le long de la falaise.
Le rez-de-chaussée était dédié aux communs, tandis que les pièces d’habitations nobles se trouvaient à l’étage. Une cave creusée dans le rocher permettait de conserver au frais les réserves.
Vers 1150, une plateforme soutenue par d’imposantes terrasses a été créée pour doubler l’assise au sol du château, mais son emprise resta modeste. Il y avait toutefois de quoi accueillir quelques bâtiments de plus, dont une écurie, le tout entouré d’un épais mur d’enceinte.
Ce remarquable petit château fut détruit par un incendie catastrophique quelques 50 ans plus tard, et jamais reconstruit.
Sa situation évoque un peu celle du fort de La Roque-Gageac, en Dordogne, lui aussi construit à flanc de falaise sous un éperon rocheux, au XIIe s … et qui a réouvert l’été dernier après 10 ans de travaux !
Avec le cas de Bex, nous sortons de la chronologie habituelle de l’archéologie, mais voici vraiment un site qui mérite le détour !
Ce n’est en effet pas tous les jours que l’on peut rentrer dans une mine ancienne, qui plus est une mine de sel, cet or blanc qui fit la fortune de plusieurs régions des Alpes, mais qu’on a plutôt l’habitude d’associer en France aux marais salants de bord de mer.
La mine de Bex a été ouverte en 1670, après l’épuisement des gisements de surface qui salaient les sources proches, exploitées depuis le XVe s. comme salines.
Les hommes ont dès lors suivi les filons de sel dans les profondeurs de la terre, creusant un réseau de plus 50 km de galeries, tout au long des 300 ans qu’a duré l’exploitation de la mine.
Le parcours de visite au fond de ces galeries est très impressionnant et fait découvrir les conditions de travail des mineurs et les solutions techniques imaginées pour remonter le sel gemme des boyaux toujours plus profonds.