Quand des visages sortent du sol...

A quoi ressemblent les statues au moment de leur découverte ?

Raconté pour vous par Cécile, le 04 janvier 2023 - temps de lecture : 5 mn

Quand ?  Il y a entre 4 000 et 85 ans  - Où ? Chine, Égypte, France, Italie.

Imaginez-vous en train de travailler sur un site archéologique, de fouiller avec précaution les couches de terre, à la truelle. Quel objet rêveriez-vous de mettre au jour ? Beaucoup pensent à des trésors de bijoux ou de pièces d’or, d’autres à des mosaïques ou des colonnes, d’autres encore à des statues.

Et quelle émotion, en effet, de voir se dégager des sédiments les contours d’un œil, d’une bouche, d’une chevelure, de tout un corps !

Mais attention, il est très rare que l’objet soit complet et en excellent état : les belles sculptures que l’on admire dans les musées sont restaurées ! Ce que l’on voit sur le terrain est bien différent, mais tout aussi magique, parce que quel que soit leur état de conservation, on peut se dire au moment de leur redécouverte que les dernières personnes avant nous à avoir admiré et touché ces merveilleux objets ont vécu il y a des siècles, voire des millénaires.

1. L'armée de terre cuite de Qin Shi Huangdi (Chine) 

Tout le monde connaît l’extraordinaire tombeau de cet empereur chinois, enterré au IIIe s. av. notre ère avec toute son armée reproduite en terre cuite, dont les soldats, par bataillons, sont rangés au garde-à-vous. Tel que le site se visite, on a l’impression d’une véritable revue des troupes, composés de statues intactes debout dans de grandes fosses rectangulaires.

Mausolée de Qin Shi Huangdi, vue générale de la fosse 1 (230 m x 62 m, cloisonnée en 11 couloirs). La fosse contient quelques 6 000 statues d'hommes et de chevaux - © Jmhullot / CC BY

Il faut cependant bien s’imaginer que ce n’est pas dans cet état qu’elles ont été découvertes ! Le paysan qui a trouvé les premières, en 1974, a dégagé de terre une tête fragmentée et une pointe de lance. Les statues étaient en effet écrasées par le poids de la terre du gigantesque tumulus effondrée sur elles

La mise en valeur actuelle du site permet bien de se rendre compte du contexte de découverte de ces statues. Toutes les fosses contenant les soldats n’ont en effet pas encore été fouillées. On peut ainsi admirer des fosses encore intactes et d’autres en cours de fouille, où l’on voit bien les statues brisées à moitié dégagées.

Couloir de la fosse 4, où les statues sont laissées dans la position et l'état où on les retrouve à la fouille - © Camphora / CC BY-SA
Statues en cours de dégagement, fosse 4 - © Richardelainechambers / Public domain

2. Les statues de bois de la source des Roches, à Chamalières (Puy-de-Dôme)

En 1970-1971, la fouille d’un sanctuaire gallo-romain à côté de Clermont-Ferrand a livré un extraordinaire amoncellement de milliers de statues complètes et de morceaux de corps, tous en bois, datés entre 30 av. notre ère et 100 de notre ère, dont nous avons déjà brièvement parlé dans un précédent article.

Les ex-votos au moment de leur découverte, dans le plan d'eau de la source - © Monique Dumont et Anne-Marie Romeuf
Statues restaurées  - © DRAC Auvergne, Yves Duterne, sur le site de l'atlas topographique Augustonemetum

Déposées en guise d’ex-voto dans une source sacrée, grandeur nature ou en modèle réduit, elles se sont conservées à travers les siècles grâce à l’eau dans laquelle elles baignaient, puis dans celle qui imbibait encore les sédiments accumulés au fil du temps dans le trou d’eau, finalement comblé.

Mais attention aux bois sortis de l’eau ! Si les objets sont spectaculairement conservés au moment de leur découverte, il leur faut un traitement spécial pour ne pas se dessécher et disparaître en quelques années une fois à l’air libre (ce que nous vous expliquions ici à propos des épaves). 

3. Les protecteurs du sanctuaire de San Casciano dei Bagni (Italie) 

Nous vous avons déjà parlé de ce sanctuaire des eaux romain et étrusque dans notre tour estival des sites méconnus d’Italie. A côté des deux piscines d’eau chaude encore en activité, qui font l’originalité du site, les fouilles menées depuis plusieurs années se concentrent autour d’une très belle source sacrée monumentale, dotée d’un bassin de marbre, agrémentée de fontaines et entourée d’autels dédiés à Apollon et plusieurs autres divinités associées.

Visite du chantier de fouille de la source sacrée, en arrière des piscines chaudes, à l'automne 2022 - © Valerio Muscella, pour NPR

En septembre et octobre 2022, les sédiments boueux ont livré un émouvant lot de 24 statues de bronze représentant des divinités mais aussi de très beaux visages de personnages réels, membres de la noblesse étrusque et empereurs. Les statues avaient été déposées intactes dans le fond de la piscine avant son comblement, effectué au cours de ce qui semble avoir été un rite de déconsécration du sanctuaire, vers l’an 500 de notre ère.

Statuette de jeune homme émergeant de la boue - © Ministerio della Cultura
Statue d'homme en toge - © Ministerio della Cultura
Statuette d'Apollon archer, au moment de sa découverte - © Ministerio della Cultura
Apollon archer, déposé en laboratoire mais encore non stabilisé  - © Ministerio della Cultura

4. Le colosse d'Heliopolis

Une statue, ça peut être un monument en soi, comme on le voit souvent en Egypte avec les gigantesques représentations des pharaons.C’est ainsi que dans la banlieue du Caire, en 2017, l’énorme buste d’un pharaon, peut-être Ramsès II, ou Psammétique I, a été sortie de la boue, sur le site de la très antique ville d’Heliopolis, devant le temple de Ramsès II.

Cliquez sur l'image pour voir la vidéo de présentation du chantier et de la découverte !

La tête monumentale déposée sur le bord du chantier - © Khaled Desouki /AFP / GettyImages

Et ce n’était que l’un des morceaux d’une statue de 8 m de haut ! Dans un cas comme celui-ci, pas évident d’identifier tout de suite qu’il s’agit d’une sculpture d’un corps humain et pas d’une colonne, tant qu’on ne dégage pas une oreille ou une main. 

Cette statue colossale n’a pas été fouillée à la truelle et au pinceau, mais dégagée et extraite à la pelle mécanique, poids et volume obligent.

Dégagement du buste de la statue à la pelle mécanique - © Anadolu Agency / Getty Images 

5. L'étrange destin des statues du château de Baillet-en-France

En 2004, la fouille d’une glacière (un puits sec destiné à la conservation des denrées) du XVIIe s. du château de Baillet-en-France a révélé un étonnant ensemble de statues brisées. Il s’agissait de fragments d’une grande œuvre statuaire en bas-relief, qui n’a rien à voir avec l’histoire ancienne du château !

L'amoncellement des sculptures au fond de la glacière  - © Denis Gliksman, INRAP
Le buste de la femme, groupe du couple turkmène  - © Denis Gliksman, INRAP

Présentant un style caractéristique du début du XXe s., ce sont les éléments décoratifs… du Pavillon de l’URSS, à l’exposition universelle de 1937

Mais que font-elles dans les ruines d’un château d’Île-de-France ? C’est que ce dernier appartenait à l’époque à la CGT et était un centre de vacances de l’Union fraternelle de la Métallurgie, à qui l’URSS, à la fin de l’exposition, avait offert les sculptures. Reconverti en centre des jeunesses pétainistes en 1940, le château a été expurgé des souvenirs de son passé communiste et le groupe statuaire a été détruit en 1941. Une partie a été retrouvée dès la libération, une autre a été oubliée au fond de la glacière, pendant 83 ans.

Le pavillon soviétique, à l'exposition de 1937. Les bas-reliefs ornent les deux grands podiums au premier plan - © Anonyme, La Photolith éditeur / Public domain
Les bas-reliefs remontés devant le château de Baillet-en-France, à l'issue de l'exposition universelle - © Ihs Cgt Métallurgie 

Et vous n'avez pas tout lu ! 

Découvrez nos autres articles consacrés aux merveilles archéologiques françaises... et d'ailleurs ! 

Sur la route...

Les Étrusques en 10 questions 1/2

Prendre les eaux en Gaule romaine

Le mystères des momies du Tarim 1/2

Archéologie des USA

L'Arménie archéologique

Le Portugal en 5 sites d'exception

Quand Paris était Lutèce