Voyage archéologique en Grande-Bretagne 1

5 sites de la Préhistoire et de la Protohistoire

Raconté pour vous par Cécile, le 05 juillet 2023 - temps de lecture : 5 mn

Quand ? Il y a entre 15 000 et 2 000 ans environ avant le présent.

Où ? Angleterre, Écosse, Îles Anglo-Normandes, Pays de Galles.

Ce n’est pas tout à fait vrai que nous avons jusqu’ici ignoré les richesses archéologiques de la Grande-Bretagne, car de nombreux sites sont mentionnés ou décrits dans nos différents articles, mais voici maintenant l’occasion de faire un tour d’horizon plus général des merveilles visitables sur la grande île d’Albion.

L'un des plus beaux sites fortifiés du monde celtique : Maiden Castle (Angleterre), fondé vers 450 av. notre ère - © Kitchenham Ltd , dans Dorset Life Magazine

1. Creswell Crags : la plus septentrionale des grottes ornées d'Europe (Écosse)

Creswell Crags est en fait le nom d’une série de grottes qui s’échelonnent tout le long des falaise qui encadrent une étroite vallée. La majorité des gravures mises au jour proviennent de la grotte de Church Hole. Creswell Crags présente l’originalité d’être le seul site d’art rupestre préhistorique de Grande Bretagne (découvert à ce jour) et le plus au nord de toute l’Europe

Ses murs sont gravés d’animaux caractéristiques du milieu naturel de la fin de la dernière grande glaciation : rennes, petits chevaux, ours, bisons. Les gravures n’étaient pas isolées. Les grottes ont servi d’abris pendant plusieurs millénaires, entre 15 000 et 13 000 avant le présent environ. De nombreux outils de pierre, des objets du quotidien et des ossements d’animaux consommés ont aussi été mis au jour. 

 L'entrée de quelques unes des grottes de Creswell Crags, qui s'étirent tout le long d'une gorge bordant un lac (ici au premier plan) - © Graham Hogg / CC BY-SA
 L'une des parois gravées de la grotte de Church Hole. Vous remarquerez que les dessins préhistoriques sont recouverts de graffiti modernes...qui ont aussi leur intérêt ! - © Creswell Crags Museum & Heritage Centre 

Nous avons déjà parlé rapidement de ce site, pour ce qu’il permettait de comprendre de l’environnement auquel les populations de cette fin du Paléolithique étaient confrontées. Nous vous renvoyons ainsi à notre article sur les changements climatiques pour aborder cet aspect de la question.

L'environnement de Creswell Crags il y a 26 000 ans - © Creswell Crags Museum & Heritage Centre 

Vous trouvez qu’il n’y a pas beaucoup de sites du Paléolithique dans notre sélection ? Allez, voici le renvoi vers deux autres belles découvertes de la fin de la Préhistoire, traitées dans de précédents articles :

2. Les henges, le paysage religieux du Néolithique et de l’Âge du Bronze (Angleterre) 

Les deux cercles de pierres levées de Stonehenge -  © DiegoDelso / CC BY-SA

Impossible de passer sous silence les merveilles architecturales du Néolithique britannique, d’autant que ces édifices mégalithiques sont encore si présents dans le paysage qu’ils constituent une grosse partie des sites visitables du pays ! Nous avons déjà présenté ce que sont les henges, dans notre article récent consacré à Woodhenge et aux vestiges très denses entourant le célébrissime Stonehenge.

Le henge d'Avebury, l'un des plus grand d'Angleterre. Sur la photo : à gauche le talus extérieur, et le 1er cercle de menhirs ; à droite quelques uns des menhirs de l'un des 2 plus petits henges qui se partagent l'espace central, côte à côte - © Rxfelix / CC BY

Pour résumer, les henges sont des constructions circulaires composées de plusieurs anneaux concentriques matérialisés par des talus et fossés, des menhirs (qui forment alors que qu’on appelle en France des cromlechs) ou des poteaux de bois. Le centre de ces espaces était toujours marqué, lui aussi, par une pierre levée, une fosse ou un poteau. Des offrandes (objets, pièces de viande) ou des sépultures ont été parfois retrouvées dans les fosses centrales, les fossés périphériques ou autour de certains poteaux ou menhirs. Les henges sont compris comme des temples. Ils sont très nombreux en Grande Bretagne.

Découvrez vu du ciel l'extraordinaire site de Thornborough et ses 3 henges en enfilade - © The Guardian
Le petit henge aux totems de bois de Maelmin - © Lisa Jarvis / CC0

Même si, avec les barrows (tumuli), ils font partie des vestiges les plus visibles des lieux sacrés du Néolithique et de l’Âge du Bronze, ils font toujours partie de plus vastes ensembles architecturaux, qui marquent l’espace sur plusieurs kilomètres carrés, comme autour de Stonehenge.

Mayburgh henge, avec son menhir unique, au centre de la place circulaire délimitée par un épais talus de pierres - © Dougsim /CC BY-SA

3. Le tumulus de la Hougue Bie (Jersey)

L'entrée du couloir central du tumulus de la Hougue Bie - © Bob Embelton / CC BY-SA

Étonnant, non, ce tumulus de l’île anglo-normande de Jersey ? Pourquoi est-ce qu’il fait partie de notre sélection, alors que ce n’est qu’une tombe monumentale parmi tant d’autres ? Mais regardez bien ce qu’il y a au sommet du tertre artificiel : oui, une église !

Le plan de la tombe est assez classique : un long couloir soutenu par d’énormes dalles de pierre, long de 10m, dessert une chambre funéraire en forme de croix, de 10 m de profondeur. Il fallait qu’elle soit solide, cette infrastructure monumentale, car le tertre qui la recouvre mesure 50 m de diamètre et 12 m de haut ! On comprend mieux l’obligation de bâtir solide, à ce compte, et pourquoi il reste encore tant d’allées couvertes de conservées jusqu’à nos jours ! En réalité, cet état final a été réalisé en 2 temps : le tertre initial, édifié entre 4 365 et 4 055 av. notre ère, a été agrandie quelques décennies plus tard.

Cela pourra rappeler à certains l’énorme tumulus Saint-Michel à Carnac...

La colline de la Hougue Bie, avec la chapelle au sommet - © Man vyi / Public domain
Le tumulus Saint-Michel, à Carnac (Morbihan). Une tombe monumentale construite entre 5 000 et 4 000 av. notre ère, sous une colline artificielle de 125 m de long sur 60 m de large, dont il reste 10 m d'élévation. Le sommet a été arasé en 1926 pour la construction de la chapelle Saint-Michel - © Lionel Allorge / CC BY-SA

4. La plateforme de Llyn Brenig 51 (Pays de Galles)

La platform cairn de  Llyn Brenig 51 (état restauré) - © Jeremy Bolwell / CC BY-SA

Tumulus arasé, plateforme cérémonielle, henge à la forme originale ? Le site Llyn Brenig 51 est un peu de tout cela à la fois. C’est une forme originale d’architecture mégalithique représentative des Ring Cairn, de vastes plateformes circulaires ou ovales de moins d’1 m de hauteur, composées d’épais niveaux de blocs de pierre, contrefortés de talus de terre. Leur centre est toujours vide, matérialisé par un petit cromlech, et accueille des fosses et/ou des dépôts de cendres, parfois des sépultures. Leur construction remonte aux alentours de 4 000 ans avant le présent, à l’Âge du Bronze.

Llyn Brenig 51 est une terrasse circulaire d’environ 20 m de diamètre, faites de pierre et de terre. Le cercle central, de 7 m de diamètre, est matérialisé par 26 petites pierres participant au soutènement de la terrasse. Au centre, une fosse pleine de cendres et le trou d’un poteau ont été retrouvés. Il accueillait peut-être une sorte de mât totem. - © Chris Bickerton 2012, pour le portail The Modern Antiquarian. Plan issu du panneau de présentation sur le site.
Le cercle de pierre intérieur - © Stephen McKay / CC BY-SA

Le site porte le n° 51, ce qui laisse deviner qu’il n’est pas seul dans le secteur. Le pourtour du lac est en effet ponctué de vestiges du Mésolithique, du Néolithique et de l’Âge du Bronze gallois (sites sacrés, tombes, lieux de vie), mais il ne faut pas s’imaginer une sorte d’espace naturel sacralisé, car le lac est artificiel. Avant sa création en 1976, c’était une suite de vallées. La région de Llyn Brenig est en fait un excellent exemple de la grande densité de vestiges archéologiques qui parsèment le Pays de Galles… tout comme le reste du Royaume-Uni.

5. Le village fortifié de Tre’r Ceiri (Pays de Galles)

 Vue aérienne du site fortifié de Tre'r Ceiri - © People's collections Wales / Casgliad y Werin Cymru

Un bond dans le temps jusqu’à l’Âge du Fer, et nous voici au IIe s. av. notre ère, au sommet d’un éperon rocheux ouvrant sur les magnifiques paysages de la péninsule de Llyn, à l’ouest du Pays de Galles. Tre’r Ceiri est un important village fortifié et perché, qui présente la particularité d’être construit contre un énorme tumulus de l’Âge du Bronze, intégré à l’urbanisme de l’agglomération. C’est aussi un site spectaculaire, par l’étonnant état de conservation de ses bâtiments arrondis, par l’importance de son système de fortifications (3,5 m de haut encore en place pour le rempart intérieur), mais aussi pour la vue qu’il offre sur les paysages environnants, jusqu’à l’océan.  

Vue d'artiste du hillfort de Tre'r Ceiri. A gauche, sur le promontoire, le grand tumulus de l'Âge du Bronze, vieux de plusieurs centaines d'années au moment de la construction de l'agglomération - © A. Smith, GAT, pour l'article de G. Smith et  D. Hopewell, "Tre'r Ceiri: An Exceptional Walled Fort", dans Smith, G., "Hillforts and Hut Groups of North-West Wales", Internet Archaeology 48, 2018.

Le village est initialement occupé par 26 larges maisons rondes rassemblées en plusieurs grappes, entourées d’autres bâtiments non résidentiels. Au fur et à mesure de son développement, cette première organisation a été revue et les grands édifices circulaires ont été subdivisés en quelques 150 unités d’habitation. L’agglomération a été abandonnée bien avant la conquête de la Grande-Bretagne par les Romains, mais a été brièvement réoccupée au IIe siècle de notre ère.

La côte nord de la péninsule de Llyn, vue depuis l'un des quartiers de maisons rondes de l'agglomération - © Eliot Collins, Google Maps

6. Old Sarum, du hillfort de l’âge du Fer au château médiéval (Angleterre)

En guise de transition vers les époques plus tardives qui nous occuperont la semaine prochaine, voici le très impressionnant site d’Old Sarum. 

Vue aérienne d'Old Sarum. Au centre, la motte ; au premier-plan à gauche, les vestiges de la cathédrale du début du XIIe siècle. On ne sen rend pas bien compte, mais le site est très grand : environ 300 x 400 m. - © Visit Wiltshire

Ce qu’il en reste ne semble, au premier abord, plus avoir grand-chose à voir avec l’Âge du Fer, puisque le site est surtout connu pour son état médiéval : au sommet de l’une des plus belles mottes castrales du Royaume-Uni, Guillaume le Conquérant fonda, à la fin du XIe siècle, le château et la cathédrale de Seresberi. Agrandi au cours du XIIe siècle, le site accueillit une nouvelle cathédrale et l’énorme donjon où la reine Aliénor d’Aquitaine fut retenue prisonnière pendant un temps. La cathédrale, puis le château et l’agglomération, ont été progressivement abandonnés au cours du Moyen Âge pour New Sarum, actuelle ville de Salisbury, à quelques kilomètres.

L'occupation de la colline au XIIe siècle - © Modell:  John B. Thorp - Foto: Kurt Kastner / CC0

Alors quel rapport avec l’époque celtique ? Le lien, ce sont les fondations de la forteresse, car le château à motte du XIe siècle était implanté sur les vestiges encore en bon état d’un énorme hillfort (l’équivalent d’un oppidum). L'agglomération a été créée vers 400 av. notre ère, mais sa période de plus grand développement semble avoir été vers 100 av. notre ère. Le site était formé d’une colline ronde au sommet aplani, doté de 3 remparts de terre concentriques et entouré, plus bas dans la plaine, par une dernière ligne de fortification.

Évocation du hillfort de l'Âge du Fer, vers 100 av. notre ère - © Historic England / dessin de Peter Dunn
Évocation de l'agglomération romaine de Sorviodunum - © Historic England Archive / dessin de Peter Dunn

A l’époque romaine, une agglomération florissante, Sorviodunum, s’est aussi développée au pied du site fortifié. En somme, Old Sarum a été occupé pendant 1 000 ans, bénéficiant toujours des aménagements du paysage effectués par des populations de l’époque laténienne.

Un petit bonus virtuel ?

Vous voulez en voir encore un peu plus sur la Protohistoire de l’Angleterre ? Découvrez ou redécouvrez les visites virtuelles du hillfort d’Old Oswestry et du village du IIe siècle av. notre ère de Carn Euny.

A la semaine prochaine, à la découverte de quelques autres sites des époques romaine et médiévale !

Et vous n'avez pas tout lu ! 

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