L'Allemagne insoupçonnée, en 7 sites archéologiques
Raconté pour vous par Cécile, le 08 août 2021 - temps de lecture : 5 mn
Quand ? d'environ 5 000 ans avant le présent au XIe siècle - Où ? Partout en Allemagne
Voici curieusement une destination touristique qu’on associe rarement au patrimoine ancien et à l’archéologie.
Pourtant l’Allemagne regorge de sites extraordinaires !
De plus, nos germaniques voisins ont une intéressante spécialité : les reconstructions sur site.
Cela signifie qu’ils proposent volontiers des reconstitutions de bâtiments grandeur nature et des mises en scène in situ, sur les ruines mêmes, ou juste à côté.
Voici un échantillon de 7 découvertes spectaculaires, remarquablement mises en valeur.
1. La grotte de Fels, sa flûte, sa Vénus...
Nous vous avons déjà fait découvrir ce site préhistorique majeur dans notre article sur les instruments de musique (« Six instruments étranges et une étrange partition »). En effet, il y a été mis au jour la plus ancienne flûte à ce jour, âgée de 35 000 ans !
Mais ce n’était pas le seul objet découvert sur ce très riche gisement, occupé entre le Moustérien et le Magdalénien, c'est-à-dire entre 40 000 et 13 000 ans av. J.-C. !
La hohle Fels (Bade-Wurtemberg) est en effet célèbre pour la grande quantité et la diversité des objets d’art qui y ont été abandonnés, aux côté d’outils en pierre taillées et en os.
Les sculptures les plus connues sont le très bel oiseau en plongée, sculpté dans de l’ivoire de mammouth, et la petite statuette de Vénus paléolithique, qui devait se porter en pendentif. Attention, nous parlons bien d’une Vénus préhistorique, nom donné à ces séries de représentations féminines aux formes particulièrement généreuses !
Récemment, des blocs peints de formes géométriques à l’ocre ont également été mises au jour. Il s’agit probablement de fragments de peintures pariétales qui se sont détachées des parois et sont tombées face contre terre… ce qui a paradoxalement permis leur conservation.
2. Le cercle de Goseck
Il y a quelques 6 800 ans, les populations néolithiques qui vivaient dans le centre-est de l’Allemagne, en Saxe-Anhalt, à l’ouest de Leipzig, ont édifié un étrange complexe monumental de terre et de bois, interprété comme un observatoire solaire : le cercle de Goseck.
La construction est composée d’un large fossé circulaire de 71 m de diamètre, bordé vers l’extérieur par un talus de terre. A l’intérieur, deux vastes palissades concentriques ont ensuite été édifiées.
On pénétrait à l’intérieur par trois entrées permettant de franchir le talus et le fossé. Les deux autres cercles emboîtés de palissades possédaient aussi plusieurs entrées, dont certaines alignées sur les 3 principales. Le centre était toutefois vide de construction.
Du fait de l’orientation particulière des portes par rapport à la lumière du soleil à différentes dates dans l’année, le site a été interprété comme un observatoire solaire, ou comme un sanctuaire.
La découverte de nombreux ossements animaux ainsi que de plusieurs fosses contenant des ossements humains, sélectionnés et grattés, laissent penser que des sacrifices ou des rites funéraires particuliers avaient lieu dans le cercle.
3. La Heuneburg et les principautés celtiques d'Allemagne du sud
La Heuneburg (Herbentingen, Bade-Würtemberg) est la plus ancienne ville celte du nord des Alpes, édifiée sur une éminence dominant le Danube.
Entre les années 650 et 500 avant notre ère, les sociétés celtes de l’âge du Fer se sont illustrées en Allemagne, ainsi que dans l’est de la France, par la mise en place de fastueuses chefferies, appelées "principautés", à une époque où Rome n’était encore qu’une petite ville !
Aussi étonnant que cela puisse paraître, ces chefferies tiraient leur prestige et leur immense richesse des rapports commerciaux intensifs entretenus avec l’Italie étrusque et les Grecs des colonies d’Italie du Sud et de Marseille, dont les produits passaient les Alpes ou remontaient par la vallée du Rhône.
L’extraordinaire site de la Heuneburg donne une superbe illustration de l’une de ces principautés celtiques. On y visite la reconstitution de la partie haute de l’agglomération, entourée d’un rempart à l’architecture grecque.
En contrebas, s’étend une incroyable nécropole princière composée de plusieurs énormes tumulus recouvrant des chambres funéraires au mobilier somptueux : vases précieux étrusques et grecs, soieries, bijoux d’or et d’ambre, char de parade…
L’exceptionnelle tombe reconstituée de Hochdorf (Eberdingen), celle d’un prince d’une chefferie voisine de la Heuneburg, est le plus bel exemple que l’on peut voir en Allemagne de l’une de ces sépultures. En France, c’est le cas de celle de Vix (Châtillon-sur-Seine).
4. Les Romains de Germanie
La présence romaine en Allemagne, dans les anciennes provinces de Germanie Supérieure, de Germanie Inférieure et de Rétie, est marquée comme partout ailleurs par des villes, des villas et des sanctuaires, dont il reste de nombreux vestiges.
Petit plus propre aux régions du limes, la zone frontière, que ne connaissent pas (dans cette densité) les provinces intérieures comme la Gaule ou l’Italie, les Germanies ont aussi été dotées d’une spectaculaire ligne de forteresses, peu espacées, qui défendaient le cœur prospère de l’Empire.
Vous retrouverez toute l’animation de la vie dans ces camps, qui ont parfois donné naissance à une agglomération, en visitant celui de Biriciana (Weißenburg in Bayern, Bavière).
Le très beau parc archéologique de Schwarzenacker (Saare) vous plongera quand à lui dans une petite agglomération fondée au Ier s. et abandonnée, après avoir été dévastée par les Alamans, à la fin du IIIe s.
Les ruines sont déjà très belles, mais en plus, une partie des bâtiments de la ville ont été reconstitués : le sanctuaire, deux maisons, les boutiques du forum, bordé par deux longs portiques à colonnade.
Vous préférez voir des villas, les luxueuses demeures de campagne des notables de l’époque romaine ?
Alors sans hésiter, allez voir la reconstitution complète de celle de Borg (Saare) !
Tout est visitable : des jardins aux chambres, à la cuisine et aux thermes !
5. A côté des Romains : Tinnumburg
A l'extrême nord de l'Allemagne, sur l’île de Sylt, en Schleswig-Holstein, le Tinnumburg donne une bonne idée de l’exotisme des peuples du nord qui vivaient durant notre Antiquité, à côté des Romains.
Car, contrairement à la France, l’Allemagne est sur la frontière romaine (le limes). Cela signifie qu’on y trouve pour la même période des sites romains, et à quelques kilomètres, les voies, les lieux de vie, les lieux de culte et les sépultures des peuples non romanisés... Et qui n'ont rien à voir avec les Gaulois !
Le Tinnumburg est un rempart circulaire de terre, de 7 m de hauteur et de 120 m de diamètre, construit au début du Ier s. ap. J.-C. Présenté comme une forteresse, le rempart protégeait des habitations aux murs édifiés en tourbe. Très bien conçue, la fortification a été réoccupée par des Vikings, quelques 700 ans plus tard !
D’autres sites de ce type ont été répertoriés dans les îles de Frise du Nord, mais les sociétés antiques qui les ont construits restent encore très mystérieuses.
6. Le Moyen Âge slave : le sanctuaire et le village fortifié de Groß Raden
Le Moyen Âge allemand nous est bigrement exotique ! On n’en connaît en fait que l’histoire de sa partie ouest, celle qui était intégrée à l’empire de Charlemagne, dont la capitale était à Aix-la-Chapelle (Aachen) !
Dans les confins nord-est, au-delà de l’Elbe, c’était le territoire des Slaves, arrivés vers 500-600 ap. J.-C.
Le très beau site (reconstitué à l’emplacement des fouilles archéologiques) de Groß Raden (Mecklembourg-Poméranie occidentale) illustre bien ce que l’on sait des modes de vie et de l’organisation de ces sociétés vers 800-900 de notre ère, durant ce qui est, plus à l’ouest, l’époque carolingienne et celle des raids vikings… dont les Slaves étaient les cibles récurrentes !
L’élément le plus spectaculaire en est l’énorme rempart circulaire construit sur une ancienne île au milieu du lac de Redener, qui abritait un spectaculaire sanctuaire païen, édifié pour des divinités encore non identifiées. Les Slaves de Groß Raden n’étaient en effet pas encore christianisés !
Sur la rive, un grand village construit en bois, entouré d’une palissade défensive, abritait un temple plus ancien.
Préservé dans les boues humides des rives du lac, le site, pourtant tout en bois, était incroyablement bien conservé.
Les fouilles ont livré un mobilier archéologique étonnant, dont l’architecture du temple et de nombreux objets, parmi lesquels un magnifique trésor d’argent.
7. Haithabu : les Vikings de la Baltique
Contemporains de Groß Raden, voici Haithabu (aujourd’hui Hedeby, à Busdorf, Schleswig-Holstein), une grande agglomération viking telle que les côtes de la mer Baltique, en abritaient !
Il ne s’agit pas, comme dans la Gaule franque, d’un campement saisonnier, mais bien d’une véritable colonie, fondée au VIIIe s. par des Frisons et abandonnée au XIe s.
Cette agglomération fortifiée très dynamique était destinée à servir de relai maritime et terrestre dans le dense réseau commercial que les royaumes des Hommes du Nord avaient établi entre la mer du Nord et la mer Baltique.
Le site est même mentionné dans des sources écrites arabes du Xe s. comme une ville très importante !
Les magnifiques assemblages d’objets usuels, d’armes, d’éléments de parure et de décors mis en scène au musée de site montrent qu’il s’agissait d’une communauté très prospère et bien organisée...
… de celles qui attaquaient les villages slaves pour constituer leurs lots d’esclaves à vendre.
La promenade dans ce village reconstitué sur site rend l’immersion dans le quotidien de ces sociétés nordiques immédiate ! Le contact avec le Danemark tout proche et les autres colonies vikings étaient assuré par bateau, dont un très bel exemplaire, découvert dans le fond du port, est exposé sur le site.