Voyage archéologique en Grande-Bretagne 2
5 sites de l'Antiquité et du Moyen Âge
Raconté pour vous par Cécile, le 20 juillet 2023 - temps de lecture : 5 mn
Quand ? Il y a entre 2 000 et 700 ans.
Où ? Angleterre, Écosse, Pays de Galles.
Notre tournée archéologique de la grande Albion se poursuit. Après les mégalithes et les agglomérations fortifiées, place aux Romains, puis aux Angles et Saxons, aux Vikings, aux Normands. En somme, voyons ce qu’ont laissé tous les peuples qui se sont battus pour un coin de cette île depuis 2 000 ans, et ont participé à la construction de la Grande-Bretagne actuelle.
1. A la frontière de la Britannia (Angleterre, Écosse)
Avec une foultitude de thermes, de temples, de villae, de camps militaires et de fortifications, l’époque romaine est très bien représentée en Angleterre et au Pays de Galles… beaucoup moins en Écosse, évidemment, qui ne faisait pas partie de la province de Britannia. C’est la matérialisation de cette frontière que nous choisissons de mettre en valeur pour représenter l’époque romaine.
Le mur d’Hadrien est une longue fortification édifiée vers 122-127 de n. è. Elle assurait la protection de la province romaine, conquise à partir de 43 de n. è, contre les peuples calédoniens, et marque encore partiellement la frontière de l’Écosse actuelle. Le mur était haut de plusieurs mètres et bordé de forts, tout le long de son tracé.
Le plus célèbre d’entre eux est sans conteste celui de Vindolanda, fouillé depuis les années 1970, où plus de 1 800 tablettes écrites à la main par les occupants du camp ont été retrouvées.
La frontière a été repoussée d’une centaine de kilomètres plus au nord en 142 de notre ère par le successeur de l’empereur Hadrien, Antonin-le-Pieux. Une seconde ligne de défense a ainsi doublé à partir de ce moment la zone frontière. Très différent dans son architecture, le mur d’Antonin est composé d’une base de pierre surmontée d’une élévation en terre et bois et était précédé d’un profond fossé. Le Mur d’Antonin n’a pas résisté aux attaques des Pictes à la fin du IIe siècle. En revanche, le mur d’Hadrien a arrêté les incursions des peuples du Nord jusqu’à la fin du IVe siècle.
La construction de murs de frontière est un fait très rare dans l’Empire romain, ce qui fait des exemples d’Hadrien et d’Antonin des vestiges particulièrement originaux. Les limites (le limes) entre territoires conquis et barbares étaient surtout matérialisées par des obstacles naturels (fleuves, deltas, déserts, montagnes) et des lignes de forts militaires séparés de quelques kilomètres les uns des autres. A l’est et au nord de la France et de la Belgique, le long du Rhin, c’est le cas du limes qui séparait les deux provinces romaines de Germanie inférieure et supérieure de la Germanie indépendante.
2. Les brochs, vestiges des cultures non romanisées au nord de la Britannia (Écosse, Hébrides)
Qu’y avait-il de l’autre côté de la frontière romaine ? Qui vivait au nord du Mur d’Hadrien ? Les auteurs latins rassemblent ces populations sous le nom de Calédoniens et les distinguent parfois en tribus, comme celle des Pictes.
Sur le plan archéologique, les éléments architecturaux les plus emblématiques de ces populations qui occupaient l’Écosse au moment de la conquête romaine sont les brochs, de hautes et austères tours coniques de pierres sèches, de plusieurs étages, souvent entourées d’une enceinte. Leur construction a débuté à l’Âge du Fer, quelques centaines d’années avant notre ère, et elles semblent avoir été utilisées au moins jusqu’à la fin du IIIe siècle, à l’époque romaine tardive.
A quoi servaient ces tours ? Pour ce que l’on en comprend, ce sont à la fois des forts défensifs, des maisons cossues et des signes ostentatoires de pouvoir.
Dans certaines d’entre elles, parmi les plus anciennes, de la poterie et des amphores provenant de Méditerranée ont été découvertes, montrant que leurs occupants avaient accès à des réseaux commerciaux très étendus et à des biens de consommation rares, longtemps avant la conquête romaine.
Le plus spectaculaire de ces édifices est sans aucun doute le broch de Mousa, parce qu’il se trouve sur une île isolée de l’archipel des Shetlands et qu’il est encore conservé sur plus de 13 m de haut. Si la plus forte concentration de brochs se trouve dans la partie nord de l’Ecosse, il en existe aussi plus au sud, entre les murs d’Hadrien et d’Antonin.
3. Un témoin en chair et en os: l'homme de Lindow (Angleterre)
Il est rare qu’un témoin d’époque puisse revenir du passé pour raconter sa vie il y a 2 000 ans. La préservation incroyable du corps de l’homme de Lindow, enseveli dans une tourbière du nord-ouest de l’Angleterre, offre cependant l’occasion unique d’en savoir davantage sur les coutumes et les modes de vie des populations qui vivaient dans le Cheshire, à une époque de transition entre l’Âge du fer et la période romaine.
La datation du corps au radiocarbone a donné une fourchette très large, à cheval sur les deux périodes : l’homme de Lindow est mort entre 2 av. notre ère et 119 de notre ère. C’était un jeune homme d’une vingtaine d’années, mesurant 1,73 m pour 60 kg, en excellente santé depuis son enfance. Ses ongles très soignés et l’état de ses mains laissent penser qu’il n’effectuait pas de travaux physiques pénibles et faisait partie de l’élite locale. Il portait les cheveux courts, une courte barbe, une moustache et des favoris bien taillés.
Les conditions de son décès et de sa présence dans la tourbière sont assez sordides : retrouvé avec une cordelette autour du cou, il a été étranglé, mais aussi frappé violemment 2 fois au crâne, battu dans le dos, égorgé au couteau d’une oreille à l’autre et possiblement poignardé, avant d’être jeté dans le lac de tourbière. Cela fait beaucoup pour un seul homme… Tous ces sévices n’ont pas pu être portés sur la victime vivante, car plusieurs sont létaux.
Son corps a été conservé dans un aussi bon état parce que les tourbières offrent des conditions environnementales particulières, très pauvres en oxygène, qui ont favorisé la conservation des tissus organiques.
L’hypothèse d’un sacrifice rituel a été avancée, notamment sur la base de comparaisons avec les situations d’autres corps mis au jour dans des tourbières du nord de l’Europe (Grande-Bretagne, Irlande, Pays-Bas, Danemark, Allemagne) et portant des stigmates de morts violentes proches de celle de l’homme de Lindow. La plupart des corps découverts dans ces contextes sont plus anciens que le sien, mais son cas pourrait témoigner de la survivance sur plusieurs siècles de pratiques de sacrifices humains liés au même rite religieux.
4. Le monastère de Lindisfarne : la première victime des Vikings (Holy Island, Angleterre)
Comment mieux évoquer les raids vikings qu’en présentant ce qu’il reste de leur première victime en Europe occidentale ? L’effroyable pillage et la destruction du monastère de Lindinfarne, le 08 juin 793, sur l'Île Sacrée (Holy Island), s’est imprimé dans les esprits, à l’époque, et a contribué à répandre l’image de terreur associée aux Vikings, tant dans le reste de la Grande-Bretagne que sur le continent. En réalité, ce n'était pas tout à fait la première fois que les royaumes anglo-saxons étaient attaqués, mais c'était la première fois qu'une communauté religieuse était prise pour cible.
Les vestiges que l’on admire du monastère datent des XIIe-XIVe siècles. Reconstruit plusieurs fois au cours du Moyen Âge, il a été finalement démoli sur l’ordre d’Henri VIII, en 1536, dans le cadre de la dissolution des monastères, opération associée à la création de sa nouvelle Église anglicane.
Le monastère est surtout connu pour la conservation d’un magnifique manuscrit enluminé réalisé sur place vers l’an 715 : les Évangiles de Lindisfarne (Lindisfarne Gospels).
Si l’ouvrage a échappé aux Vikings, ce n’est pas le cas de sa couverture incrustée de joyaux, qui, elle, fut perdue pendant les incursions des Hommes du Nord.
5. Dolbardarn Castle (Pays de Galles)
Impossible de finir ce tour d’horizon des vestiges médiévaux sans montrer un seul château ! Nous choisissons de vous présenter Dolbardarn Castle. Ce n’est ni le mieux conservé ni le plus grand, mais certainement celui qui est le mieux mis en valeur par le paysage magnifique dans lequel il s’insère.
C’est un château typique des constructions des princes gallois, édifié du début du XIIIe siècle par le seigneur répondant au joli nom de Llywelyn ab Iorwerth. Au sommet de son éperon rochaux, il domine les deux lacs de Llyn Padarn et de Llyn Peris, au fond de l’étroite vallée de l’Afon Rhythallt. Au loin, les montagnes du massif de Snowdonia offrent un arrière-plan majestueux. Sa durée de vie comme forteresse fut courte, puisqu’il a été démantelé en 1284 pour construire un autre château. Ses ruines ont, en revanche, connu une longue postérité : il a servi de lieu d’inspiration à de nombreux peintres et poètes dès le XVIIIe siècle.
Toujours au Pays de Galles, les amateurs de forteresses médiévales pourront encore consacrer un périple de 10 jours juste pour s’émerveiller de châteaux aussi spectaculaires que diversifiés, depuis le château à motte de Cardiff en passant par le point de vue imprenable du château de Criccieth, jusqu’à l’extraordinaire forteresse de Conwy, qui semble détachée d’une miniature du XVe siècle.
Il reste encore tant de choses à dire sur les merveilles archéologiques du patrimoine de Grande-Bretagne ! Nous vous concoctons pour l’été un petit condensé de sites à découvrir ou redécouvrir, à partir des nombreux exemples déjà utilisés dans nos articles.
See you soon !