Paris antique : la ville méconnue
Raconté pour vous par Cécile, le 02 février 2021 - temps de lecture : 5 mn
Les amateurs des bandes dessinées "Astérix", "Alix" ou plus récemment de la série "Paris en BD" savent bien que notre capitale recouvre une ville romaine nommée Lutèce.
Il y a cependant au moins deux choses que peu de gens connaissent : d'abord que c'était une ville peu importante à l'échelle de la Gaule. Ensuite, qu'il reste encore des vestiges de la ville romaine à l'air libre, que l'on peut visiter. Il faut toutefois être honnête : ces derniers ne sont pas toujours évident à comprendre. Heureusement, nous sommes là pour vous éclaircir tout ça !
Grâce à la magie du numérique, nous vous proposons donc de redécouvrir la Paris de l'Antiquité, en espérant que cela vous donne envie de voir toutes ces merveilles ... lorsque ce sera redevenu possible.
1. Un tout petit peu d'Histoire ...
C’est une ville au passé ancien : il s’agit en effet de la capitale du peuple gaulois des Parisii, qui s’est battu contre Jules César pendant la Guerre des Gaules, au Ier s. av. J.-C.
Après la conquête de la Gaule par les Romains, une ville nouvelle, Lutetia, a été fondée à proximité de la ville gauloise détruite, dont on ignore la localisation exacte.
Une rue de Lutèce au IIe s. apr. J.-C. - Production « Des Racines et des Ailes » / Images 3D : IZIgraph Patrimoine - le film, c'est ici
Contrairement à ce qu'elle est devenue par la suite, Lutèce est une petite ville.
Sa physionomie est conforme à celle d'autres chefs lieux de cités créées par les Romains dans le nord de la Gaule, loin des grandes capitales comme Lugdunum (Lyon) ou Narbo Martius (Narbonne).
Autour du territoire des Parisii, des villes comme Samarobriva (Amiens) ou Cenabum (Orléans), étaient plus importantes.
Comme on le voit bien sur l'évocation ci-contre, c'était en outre une ville ouverte, sans rempart : l'enceinte n'a été construite qu'au IVe s., uniquement autour de l'île de la Cité.
Évocation de Lutèce à la fin du IIe s. ap. J.-C. Aquarelle de J.-C. Golvin.
Source : Coulon G., Golvin J.-C. 2011 : Voyage en Gaule romaine. Paris, Errance (3e édition).
2. Que voir... quand ce sera possible ?
1) Les thermes de Cluny
Plusieurs monuments de l’époque romaine sont encore visibles dans le centre de Paris, mais ils restent peu connus, ce qui est dommage. Il y a même l’un des bâtiments les mieux conservés de France pour cette période : les thermes (bains publics), qui s’élevaient jusqu’à 15 m de haut, ont été intégré à un palais à la fin du Moyen Âge !
Restitution 3D des thermes de Cluny, au croisement des boulevards Saint-Germain et Saint-Michel.
Crédits : Sequanamedia
C’est ainsi qu’une grande partie de l'édifice, des plafonds aux sous-sols, sont encore conservés dans l’architecture du magnifique Hôtel de Cluny. Attention, ce n'est pas un hôtel où l'on dort, mais un palais de la Renaissance, et l’actuel Musée National du Moyen Âge, où est exposée, par exemple, l'incroyable tapisserie de la Dame à la Licorne. De quoi faire d'une pierre deux coups !
Dans les thermes, des visites guidées sont organisées pour découvrir l'ensemble des salles et dispositifs techniques souterrains assurant la distribution de l'eau et le fonctionnement de l'édifice. Seuls, vous admirerez tout de même l'immense frigidarium, la salle froide des thermes, aux voûtes conservées depuis 2000 ans, et les salles adjacentes qui le relie au palais.
2) Le pilier des Nautes
A l’intérieur des thermes, vous verrez les blocs d’un très beau monument : le Pilier des Nautes, un pilier sculpté de 5 m de haut qui représentait des divinités et héros romains et gaulois.
Il n'a pas été découvert dans les thermes, mais dans l'Île de la Cité, sous la cathédrale Notre-Dame, où se trouvait le port antique, où il était exposé. Et pour cause : l’œuvre, dédiée à l'empereur Tibère, a été commanditée par la corporation des nautes de la Seine, c'est-à-dire le corps de métier qui regroupait les bateliers.
Un court épisode (1:29mn) de l’émission « d’Art d’Art » lui a été consacrée : c'est ici
Le fragment que l'on voit ci-dessous en gros plan représente, dans un décor arboré, un taureau sur le dos duquel trois grues sont perchées, comme l'indique la légende placée au-dessus : TARUOS.TRIGARANUS (taureau aux trois grues).
Cependant, nous ignorons complètement ce que cette représentation signifie !
Elle est vraisemblablement liée à un épisode célèbre de la mythologie gauloise, dont l'histoire était parfaitement connue des habitants de Lutèce et qui reste bien mystérieux pour nous.
Les autres faces des quatre niveaux du pilier sont également ornées de reliefs sculptés de dieux du panthéon romain et héros et dieux de la mythologie celte. Le fait que des éléments des deux religions soit représentés n'est pas une exception en Gaule romaine, mais il est très rare de voir autant de divinités représentées ensemble. Pourquoi celles-ci en particulier ? Nous l'ignorons. Pris individuellement, chaque face du pilier est bien comprise. En revanche, leur association construit un récit qui nous échappe.
C'est pourquoi le Pilier des Nautes est un monument majeur pour ceux qui s'intéressent à la religion des Gaulois de l'époque romaine.
Les superbes photos des autres faces sont visibles sur la page du site internet du musée du Moyen Âge consacrée au Pilier.
3) Les arènes de Lutèce (rue Monge)
Il s'agit d'un amphithéâtre d’un type particulier, puisque les gradins ne font pas le tour du monument, ce qui est le cas dans des formes classiques, comme le Colisée de Rome, ou l'amphithéâtre d'Arles. Ce dispositif mixte, entre théâtre et amphithéâtre, laisse la place pour l'installation d'une scène couverte.
Les édifices de ce type sont bien connus, car il en existe dans de nombreuses villes de Gaule : c'est en effet un bâtiment typiquement gallo-romain, mais on ne sait pas exactement quels types de spectacle y étaient donnés : l'arène pouvait recevoir des spectacles de gladiateurs ; la scène pouvait accueillir des pièces de théâtre, mais les spectateurs des gradins n'étaient pas bien placés !
Ce n'était certainement pas du théâtre classique en tout cas, car la forme du bâtiment ne s'y prête pas du tout et qu'il existe également, à Lutèce comme dans les autres capitales, de vrais théâtres sur le modèle italique.
On suppose qu'il devait s'y dérouler des spectacles à caractère violent, comme dans les amphithéâtres : des combats, des simulations de chasse, éventuellement des mises à mort de condamnés, dans l'arène. La présence de la scène montre toutefois que d'autres types de représentations devaient y avoir lieu, suivant des pratiques et des coutumes propres à la culture gauloise.
4) La crypte archéologique du parvis Notre-Dame
Bien qu’il soit un peu difficile de s’y retrouver, allez tout de même visiter la très impressionnante « Crypte archéologique » sous le Parvis Notre-Dame : c’est un concentré des vestiges superposés de toutes les époques anciennes de Paris !
Pour l’époque romaine, on y voit une partie des quais de la Seine, les fondations d’autres thermes (les thermes de la Cité), ainsi que le rempart construit au IVe s. de notre ère.
En allant sur l'Île de la Cité par le sud, vous passerez sur le Petit Pont, qui reprend exactement l’emplacement du pont romain et qui se trouvait au bout de la rue principale (le cardo maximus) de la ville, l’actuelle rue Saint-Jacques.
Et pour finir ...
Poussez enfin la porte du Musée Carnavalet (le musée de l’histoire de Paris), qui abrite les collections archéologiques du Paris antique. Vous y découvrirez les milliers d'objets découverts dans Paris depuis la fin du Moyen Âge, ainsi que les vestiges antiques mis au jours lors des grands travaux d’Haussmann à la fin du XIXe s. et du creusement du métro : aqueducs, nécropoles, thermes, maisons, forum... tout a été détruit. Ainsi va l'histoire des villes !
Pour en savoir plus sur la forme et l'extension de la Lutèce antique, zoomer sur la ville de Paris dans notre Time Machine !
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