Peintures funéraires du monde
Amérique du Sud, Asie
Raconté pour vous par Cécile, le 25 avril 2022 - temps de lecture : 4 mn
Quand ? du VIIe au XIXe s.
Où ? Colombie, Japon, Corée du Nord, Chine, Maroc, Éthiopie
Nous n’allions tout de même pas nous contenter de présenter des tombes de sociétés que tout le monde connaît ! Pour élargir nos horizons, après avoir exploré les mondes antiques méditerranéens et les Flandres médiévales, voici 7 exemples d’extraordinaires décors peints dans des sépultures du reste du monde.
1. En Colombie, les hypogées de Tierradentro
Le sud-ouest de la Colombie abrite un trésor archéologique méconnu : le parc archéologique de Tierradentro, classé au Patrimoine mondial de l’Unesco. Il s’agit de la vaste nécropole d’une société agricole au nom inconnu, d’une culture proche de celle de San Agustín, et qui a occupé le secteur entre 600 et 900 de n. ère.
Une trentaine de tombeaux souterrains monumentaux sont conservés, taillés dans la roche, jusqu’à 9 m de profondeur.
Les puits d’accès, en surface, ouvraient par des escaliers vertigineux sur de vastes hypogées d’une à plusieurs chambres, aux parois et piliers de soutènement ornés d’un riche décor peint figurant des formes humaines et animales (lézards, serpents, mille-pattes), mais surtout une profusion de formes géométriques en rouge, noir et blanc.
L’une des ces merveilles (l’hypogée 05 Alto de San Andrés) est accessible en visite virtuelle, profitez-en en cliquant sur l'image ci-dessus !
Ces nécropoles étaient situées non loin des lieux de vie. Les tombes reproduisent d’ailleurs la forme de maisons.
Certains défunts étaient portés dans la tombe accompagnés d’objets de la vie quotidienne (meules de pierre, vases de céramiques), des métaux et des parures.
2. Au Japon, la tombe de Takamatsuzuka
Dans le village d’Asuka (préfecture de Nara), la spectaculaire tombe de Takamatsuzuka est visible de loin : c’est un kofun, un énorme tumulus, rond dans le cas présent, haut de 23 m et de 18 m de diamètre. L’inhumation dans des kofuns était la pratique funéraire dominante de la haute noblesse et des souverains du Japon, entre le IIIe et le VIII s., durant ce qui correspond en France à la fin de l'Antiquité romaine et les temps mérovingiens. Sous le tertre monumental, les défunts reposaient dans des sarcophages disposés dans des chambres funéraires mégalithiques, évoquant de gigantesques dolmens.
Seules les chambres des kofuns les plus récents sont peintes, à l’instar de la tombe de Takamatsuzuka, construite vers 700 de n.è.
Les scènes, peintes en couleur sur un support de plâtre, décrivent des moments de la vie quotidienne du défunt (courtisans et courtisanes), mais évoquent aussi le voyage de l’âme du défunt par des représentations symboliques, conformément au culte shintoïste.
La palette de couleurs, très riche, était réhaussée d’or et d’argent pour certains motifs.
Fresque du Dragon bleu - © Unknown Author / Public Domain
De nombreux autres kofuns, parmi les tombes impériales les plus imposantes, doivent être décorés de peintures au moins aussi somptueuses que celles de la tombe de Takamatsuzuka. Les archéologues ne le sauront toutefois pas avant longtemps : ces sépultures particulières ne sont en effet pas considérées comme un bien culturel national, mais comme faisant partie des nécropoles privées de la famille impériale. Il est par conséquent interdit d’entreprendre des recherches dans les kofuns encore intacts, sauf permission exceptionnelle de la Maison Impériale.
3. En Corée du Nord, les tombes de Koguryo
A moins de 100 km du Japon s’étend la Corée, qui, bien avant d’être coupée en 2 par les conflits du XXe s., a été le berceau de puissants royaumes, dont l’histoire est intimement liée à celle du Japon et de la Chine.
Entre 37 av. n. è et 668 de n. è., le tiers nord de la péninsule et une partie de la Mandchourie actuelle était occupé par le riche royaume de Goguryeo (aussi orthographié Koguryo). Comme durant la période kofun au Japon, les membres de la noblesse et de la famille royale se faisaient inhumés sous des tumulus monumentaux. Sur les quelques 10 000 tombes répertoriées à ce jour en Corée et en Chine du Nord (province de Jilin), seulement 90 sont peintes, c’est dire si l’on vous déniche des sites rares !
Les tombes de la nécropole royale dite (en anglais) Complex of Koguryo Tombs font partie de ces privilégiées. Les riches décors dépeignent l’entourage des défunts, leur vie quotidienne, mais aussi des scènes mythologiques.
Les mêmes types de représentations se retrouvent sur les murs de la très belle tombe de Wuyong, actuellement dans la ville de Ji'an, en Chine, qui était la capitale du royaume de Goguryeo jusqu'au Ve s., avant son déplacement à Pyongyang.
4. En Chine, la tombe circulaire de Datong et les tombes jumelles de Dahuting
La Chine ancienne regorge aussi de très beaux exemplaires de tombes peintes, qui s’échelonnent dans le temps depuis plus de 2 300 ans. En voici 2 qui illustrent bien l’excellence du savoir-faire des artistes peintres des dynasties Han et Liao.
Dernière demeure du défunt, le décor de sa tombe reproduit un environnement familier, plein de vie et de mouvement, représentatif des joies et des grands événements de l’existence. C’est ce que l’on voit particulièrement bien sur les murs de cette magnifique tombe circulaire aux peintures exceptionnellement bien conservées, mise au jour à Datong, dans le Shanxi.
Il s’agit de la sépulture d’un couple fortuné de l’époque de la dynastie Liao (907-1125). La fraîcheur des pigments et l’élégance des dessins en font l’un des décors funéraires les plus beaux du pays, pour une tombe vieille de 1 000 ans !
Beaucoup plus anciennes et très célèbres en Chine, voici les tombes jumelles du gouverneur Zhang Boya et de sa femme, mort à Dahuting, dans le Henan, au tout début du Ier s. de n. è. Des contemporains de l’empereur Auguste, en somme. Les murs sont couverts d’une profusion de scènes fourmillant de personnages divers, dans une palette noire, ocre et blanche.
5. Au Maroc, les tombes royales saadiennes
Bienvenue dans le monde ultra délicat de la dentelle de stuc, de boiseries et de marqueterie de l’art marocain du XVIe s. Il s’agit bien de peintures dans les tombes, mais ici, tout le décor est abstrait. A défaut de mettre en scène des personnages, la créativité des artistes s’est reportée sur le détail des formes géométriques emboîtées et reproduites à l’infini, en associant les décors sculptés à des jeux de couleurs particulièrement variés.
Les plafonds magnifiques des mausolées royaux de la dynastie saadienne, qui régna sur le Maroc entre 1554 et 1636, en sont un excellent exemple. Les multiples caissons du plafond sont rehaussés de rouge et or, de manière à souligner la profondeur de la voûte et donner un sentiment de profusion et de richesse, à même de représenter les souverains de Marrakech. Et ça marche ! Comme quoi il n’y a pas besoin d’éléments figuratifs pour inspirer des sentiments très précis au spectateur.
En Éthiopie, l'histoire du défunt est sur sa tombe
Pour conclure, comme nous l’avons déjà fait remarquer dans notre article précédent sur les peintures funéraires, la pratique de peindre dans la tombe existe toujours. En Éthiopie, on ne peut pas peindre dans la tombe, parce que celle-ci se limite à la fosse qui accueille le cercueil. En revanche, on peut entièrement en peindre l’extérieur, c'est-à-dire la stèle funéraire monumentale, ornée de motifs rappelant le défunt. Dans la vallée de l’Omo, les plus belles tombes des chefs de clans peuvent aussi être encadrées de sculptures peintes, grandeur nature.