Cinq sites archéologiques incontournables du Portugal
Raconté pour vous par Cécile, le 12 juillet 2021 - temps de lecture : 3 mn
Quand ? d'environ 13 000 ans avant le présent à 1600 de notre ère - Où ? du Nord au Sud du Portugal
Partira ? Partira pas ?
La tentation est grande de profiter de cette parenthèse estivale pour essayer de voyager et de s’évader loin de l’épidémie de Covid-19.
Les pays limitrophes de la France ont particulièrement la cote cette année, aussi nous avons choisi de vous proposer chaque semaine une sélection de sites archéologiques originaux et spectaculaires à visiter dans chacun d’entre eux.
Honneur cette semaine au Portugal !
1. Les gravures rupestres de la vallée de la Côa
Il y a plus de 25 000 ans, les populations paléolithiques de cette région montagneuse du nord-est du Portugal ont orné grandes dalles plates qui jalonnent la vallée de la rivière Côa de plus de 2 000 gravures spectaculaires, s’étirant sur 17 km et regroupés sur 30 sites principaux.
La vallée était le lieu de vie de populations de chasseurs cueilleurs, qui se sont succédé le long des rives entre 29 000 et 12 000 environ avant le présent.
On retrouve, sur les larges dalles de schiste plates comme des tableaux d’école, la grande faune familière des habitants du lieu : chevaux, aurochs, caprinés et cerfs, ainsi que des bisons et rhinocéros laineux.
On compte également de nombreux signes abstraits et quelques représentations humaines.
Avec le petit rocher gravé de Fornols (65), c’est le seul site d’art rupestre paléolithique de plein air connu de ce jour en Europe !
Le site archéologique, qui se développe dans toute la vallée, se poursuit côté espagnol, à Siega Verde.
En France, il n’y a que dans la vallée des Merveilles (Mercantour) que l’on peut approcher d’aussi près, en pleine nature, des œuvres de ce type, mais au Mont Bégo, ce sont des gravures beaucoup plus jeunes !
2. Premières villes de l’âge du Fer : Monte Mozinho et la citânia de Santa Luzia
Voici vraiment des types de sites qu’on ne voit nulle part ailleurs !
Les très impressionnants sites de Monte Mozinho et Santa Luzia sont des agglomérations fortifiées protohistoriques construites par des maniaques du rond parfait.
La citânia de Santa Luzia a été fondée il y a quelques 2600 ans.
Les vestiges de Monte Mozinho sont plus récents : on visite l’état du Ier s. av. J.-C.
Les deux agglomérations ont été abandonnées durant l’époque romaine.
Ce ne sont pas des sites isolés, même s’ils figurent parmi les seuls de ce type au Portugal.
Ils sont en fait représentatifs de la culture des castros, agglomérations protohistoriques dont l’histoire rappelle celles des oppidums de France et de l’ouest de l’Europe.
Les castros se retrouvent exclusivement dans la partie nord de l’Espagne et l’extrême nord du Portugal.
Tous présentent les mêmes caractéristiques : une architecture de pierre, de très longues fortifications, enserrant une agglomération formée de bâtiments arrondis et d’enclos réunis par quartiers.
On ne repère pas toujours d’espace public ni de « palais » sur les agglomérations les plus anciennes, mais les plus récentes, comme Monte Mozinho, sont plus structurées.
L’origine des castros remonte à l’âge du Bronze, vers 900 av. J.-C. A partir du Ve s. av. J.-C. et jusqu’à l’arrivée des Romains, ces agglomérations ont été les principaux lieux de vie des populations. Certains ont survécu à la conquête romaine, comme Monte Mozinho, encore occupé à la fin du Ier s. de notre ère.
3. Le temple romain d’Évora
Rome n’a pas laissé plus belle empreinte de sa présence en Lusitanie que les vestiges du temple de Diane d’Évora !
Il n’est pas dédié à Diane, en fait.
Comme l’autre « temple de Diane » de Nîmes, qui est en fait une bibliothèque romaine, ce n’est qu’un nom donné par les romantiques des XVIIe-XIXe s. qui avaient un faible pour la déesse de la lune, de la chasse et de la nature sauvage.
Construit au Ier s. de notre ère, il s’agit du temple principal de la ville romaine de Ebora Liberalitas Julia : le capitole, installé à une extrémité du forum.
Comme tous les temples de ce type (la Maison Carrée de Nîmes, le temple d’Auguste et Livie de Vienne), il était dédié à l’empereur et à la déesse Roma, incarnation de la toute puissance de la civilisation romaine.
Il reste de celui d'Évora la très élancée colonnade de 8 m de haut, posée sur un podium massif de 3,5 m de haut. Effet écrasant assuré ! Comme la Maison Carrée, le temple a (partiellement) échappé à la destruction en étant reconverti diverses fois, dont une fois en boucherie…
A l’origine, il faut l’imaginer entouré d’un miroir d’eau, situation tout à fait originale pour un capitole !
4. La villa romaine de São Cucufate
Honnêtement, des villas romaines splendides, il y en a plein le pays. Alors qu’est-ce que celle de São Cucufate a de spécial (à part son nom rigolo) ?
Et bien c’est la mieux conservée du Portugal. Sa façade, longue de 240 m et encore haute de 5 m, est donne une excellente idée des styles d’architecture appréciées en Lusitanie à la fin de l’Antiquité. Le bâtiment est tout en longueur et pourvu d’un étage d’apparat, tout entier ouvert sur l’avant de la maison.
L’évolution de la villa de São Cucufate est représentative de l’enrichissement et de la transformation de nombreux domaines ruraux de la région entre le Ier s. et le IVe s. ap. J.-C.
Au départ, ce n’est qu’une ferme viticole, une villa rustica. La villa évolue au IIe s. en un domaine agricole prospère, toujours tourné vers la viticulture, doté d’une très belle maison de maître.
Enfin, au IVe s., la partie agricole est rasée et une énorme villa d’agrément est reconstruite à la place. Dotée de plusieurs cours et pavillons accolés, elle ressemble à un véritable palais de 3460 m² habitables, avec ses jeux d’eau, sa piscine, ses thermes et même un temple privé.
Au VIIe s., un monastère est implanté dans les bâtiments abandonnés au Ve s.
5. Le château de Montemor-o-Velho
Amateurs de forteresses médiévales, bienvenue au château de Montemor-o-Velho, l’un des plus vastes du pays ! L’emprise gigantesque des remparts (des 3 enceintes, en fait) permet de s’imaginer sans peine l’activité grouillante du bourg et celle du haut château, autour du logis seigneurial et du donjon à présent disparus.
Principale fortification de la région, le château a été construit au IXe s. dans le contexte de tension, puis de guerre ouverte entre royaumes chrétiens (au nord) et le califat de Cordoue (au sud). La possession de cette région frontière – et donc du château de Montemor – a alterné entre Chrétiens et Musulmans tout au long des IXe, Xe et XIe s.
Les impressionnantes fortifications que l’on visite sont essentiellement celles du château reconstruit au début du XIIIe s. par les Templiers, à qui le château avait été concédé.
Bien sûr, l’enceinte, ou plutôt les 3 enceintes qui épousent les contours de la colline n’étaient pas vides au Moyen Âge.
La partie haute du site était occupée par un gros donjon quadrangulaire et un logis seigneurial dont il reste de beaux pans de murs.
L’élégante petite église au centre de la haute cour est une reconstruction du XVIe s. de l’église médiévale. Il faut restituer aussi tous les communs, c'est-à-dire les cuisines, réserves, autres logements, ainsi que les écuries, la forge…
Le Portugal ne manque pas d’autres châteaux magnifiques et très bien conservés, encore en pleine ville (Leiria) ou isolés dans la montagne (Almourol).
N’hésitez pas à partir à la découverte de ce patrimoine extraordinaire !
6. En bonus : la chapelle des ossements d’Évora
Archéologie ou pas ? Ce très étrange (malsain ?) lieu de culte du XVIe s., situé dans l’église Saint-François d’Évora, est très célèbre et même classé au patrimoine mondial de l’Unesco, peut-être moins pour son raffinement esthétique que pour ce qu’il raconte de la bizarrerie des conceptions que se font parfois les Hommes de leurs rapports à la mort et à la foi…
Les images parlent d’elles-mêmes : la Capela do Ossos est entièrement tapissée des ossements des squelettes de quelques 5 000 personnes, savamment agencés pour former des murs, chapiteaux et moulures « décorées ».
Les os proviennent des cimetières médiévaux voisins, qui nécessitaient d’être un peu vidangés pour faire de la place aux nouveaux morts d’Évora.
En général, dans ces situations très fréquentes en ville, il en résulte des ossuaires ou des catacombes, comme à Paris.
Ici, pas de gâchis ! « Faisons d’une pierre deux coups et profitons de ces délicates reliques pour donner du cachet à l’intérieur de cette chapelle si fade ! », se sont dit les moines franciscains en charge des cimetières monastiques de la ville.
Le résultat est … comment dire … saisissant.
Le but était d’inviter le fidèle à la contemplation. Je ne sais pas si c’est réussi. Tout le monde n’arrive peut-être pas à se recueillir entre des murs de crânes empilés et devant deux momies naturelles en lambeaux (dont un petit enfant) pendues par des chaînes…
Quoiqu’il en soit, sur le plan archéologique, il ne serait pas inintéressant d’étudier ces ossements, témoins des conditions de vie et de décès des milliers d’habitants d’Évora au Moyen Âge.
A la semaine prochaine pour une autre sélection de sites archéologiques dans un pays voisin de la France !