Fontaine de Vaucluse, une sacrée source.
Quand les Romains jetaient leur monnaie à l'eau.
Raconté pour vous par Maxence, le 8 mai 2022 - temps de lecture : 3 mn
Quand ? Antiquité romaine
Où ? Fontaine de Vaucluse, France
C’est un lieu tout à fait étonnant et splendide, pour peu que vous arriviez assez tôt pour éviter le flot des touristes ! Le gouffre de Fontaine-de-Vaucluse (Vaucluse, France) est, avant tout, une merveille géologique : il s’agit d’une source qui constitue l’unique sortie des eaux récoltées sur une surface de plus de 1 200 km², ce qui représente un volume de 630 millions de m3 d’eau par an ! Première source de France (et 5e au monde), le gouffre reste aussi un mystère pour les géologues et pour les plongeurs, qui ont, jusqu’à ce jour, réussi à atteindre une profondeur de 315 m (avec des robots). Tellement exceptionnel que la Société Spéléologique de Fontaine de Vaucluse vous en propose une visite virtuelle à couper le souffle !
Évidemment, en tant que simple visiteur, vous n’irez pas plus loin que les abords du gouffre ! Mais, pour autant, vous serez sans doute hypnotisé par cette masse d’eau verte ou par le grondement de la source en période de hautes eaux. Que les populations romaines aient eu la même fascination pour la source et lui aient voué un culte, n’a donc rien d’étonnant !
Rien de bien exceptionnel, dès lors qu’on connaît l’attirance des populations antiques pour les sources. Qu’elles soient assimilées à des divinités ou qu’elles présentent des vertus guérisseuses, on y jetait divers objets, précieux ou non, en guise de vœu ou de remerciement. En Gaule pourtant, assez peu de sources non aménagées sont connues pour avoir fait l’objet de la pratique de la iactato stipis (jet de monnaies). Par exemple à Saint-Antoine (Toulon, Var) et à Réotier (Hautes-Alpes), mais aussi au Gouffre des Bonhommes (Corgebin, Haute-Marne). Dans chacun de ces sites, la date de frappe des monnaies laisse penser qu’il s’agit d’une pratique non pas gauloise, mais importée d’Italie.
Qu’en est-il à Fontaine de Vaucluse ? Les recherches subaquatiques ont permis à retrouver plus de 1 600 monnaies. Accompagnées de divers objets métalliques (bracelets, épingles), elles ont été découvertes dans des failles entre 25 m et 31 m de profondeur, ces offrandes ont été jetées dans la source, avant de se déposer de façon aléatoire dans les anfractuosités du gouffre. L’étude des monnaies amène plusieurs conclusions :
une fréquentation du lieu de la fin du Ier siècle av. J.-C. jusqu’au Ve s. apr. J.-C. ;
la présence de monnaies à forte valeur (monnaies en or), qui confirme que le lieu avait une grande importance ;
la sélection de monnaies, avec notamment la surreprésentation de celles où figurent un autel.
Prélèvement de monnaies dans une fissure © E. Champelovier, DRASSM
Monnaies romaines dans le gouffre © Société Spéléologique de Fontaine de Vaucluse
Décrite par Pline au début de notre ère, et déjà renommée, la source s’appelait alors l’Orge. Quant à savoir à qui elle était consacrée, on l’ignore. Aucun aménagement ou sanctuaire n’est connu aux abords du gouffre, ni aucun élément permettant de déterminer les divinités auxquelles elle était dédiée (inscription, ex-voto). A moins que la source elle-même et sa réputation se suffise à elle-même. C’est le cas le plus fréquent dans les sources non aménagées. L’eau y était sans doute vénérée comme élément naturel, au même titre que certains bois ou certaines montagnes.
Ce site exceptionnel rappelle que dans l’Antiquité, on voue un culte aux eaux sauvages et libres (sources non aménagées). Il se distingue sans doute des cultes aux eaux domestiquées et canalisées (fontaines, bassins) et aux eaux guérisseuses, car « l’eau non altérée à son point natif engendrant spontanément l’idée de la pureté et du divin » (Simone Deyts).